Voilà dix ans qu’Anne
Godard avait disparu de la scène littéraire. Son premier roman,
« L’inconsolable », disait toute la souffrance d’une mère ayant perdu
son fils dans de tragiques circonstances. Une décennie plus tard, cette femme
écrivain rare nous dit, une fois encore, que les cellules familiales peuvent
receler autant de secrets que de dangers.
Sous un visage d’ange,
Magda cache un corps de mutilée. Tout bébé, marchant à quatre pattes, elle
s’est ébouillantée en tirant par jeu sur le fil d’une bouilloire électrique.
Trop jeune lorsque l’accident l’a frappée, Magda n’a de souvenirs que ceux
formulés par sa mère. Une mère qui cache les maux sous les mots, consignant par
écrit en détail le récit d’un drame, accusant de façon à peine voilée sa fille
de porter toute la responsabilité de l’acte.
Depuis, Magda et sa
génitrice vivent dans une sorte de prison mentale. Entre des séances de soins
aussi fréquentes que douloureuses et des séjours réguliers à l’hôpital pour
tenter de reconstruire un corps martyrisé, sa mère sait faire sentir à sa fille
combien et comment elle se sacrifie pour elle. Alors, Magda consent et souffre,
en silence, portant inconsciemment le poids d’une faute que le regard des
autres, les questions aussi ne cessent de raviver.
Arrivée à l’adolescence,
commençant à ressentir l’impérieux besoin d’amour, d’affection et de la
découverte des corps, Magda se rebelle. Longtemps privée de parole, chaperonnée
par une mère aux tendances abusives, Magda se livre à toute forme d’expérience
qui lui permettra d’exister non plus comme un objet de silencieux reproche mais
comme une jeune femme libre, déterminée, à part entière.
Pendant que Magda éclot,
la cellule familiale explose. Les drames se multiplient, sans que jamais la
moindre explication ne soit fournie : tout n’est ici que silence, secret
lourdement ressassé, reproches jamais verbalisés mais qui flottent sans cesse
dans une atmosphère devenant de plus en plus irrespirable.
Après avoir eu une chance
folle de survivre à son accident, Magda devra trouver sa voie pour avoir à
nouveau une chance folle de survivre à une famille mortifère.
Publié aux Editions de
Minuit – 2017 – 142 pages