Le 27 décembre 1974,
quarante-deux mineurs disparaissaient tués par un coup de grisou au fond de la
fosse 3, dite de Saint-Amé, dans le Nord du côté de Lens. Quarante-deux
victimes inutiles emportées par la course au rendement au détriment des plus
élémentaires mesures de sécurité comme le montrera l’enquête.
Sur ce fait historique,
illustration dramatique parmi tant d’autres d’un mélange de cupidité, de
stupidité et d’incurie que couvrit l’auteur comme journaliste à Libération à
l’époque, Sorj Chalandon élabore son dernier roman. A ces quarante-deux
disparus vient s’en ajouter un autre, Jojo Flavent. Lui décédera un mois plus
tard des suites de ses blessures mais sans jamais bénéficier de la mémoire et
des médiocres honneurs réservés à ses camarades.
Depuis, son frère cadet,
Michel, vit dans le souvenir de son aîné à qui il a voué une sorte de culte.
Après s’être procuré les vêtements du mort, il a constitué dans son garage une forme
de mausolée morbide à la gloire du et des mineurs. Un lieu où il aime à
s’isoler surtout depuis que son épouse est morte emportée par un cancer.
Parce qu’à un moment la
douleur est trop forte, Michel laisse son camion de chauffeur routier qui
pourtant fait toute sa fierté et repart dans son Nord natal pour enquêter et se
venger de ce qu’il considère comme une terrible injustice. Car il est persuadé
depuis toujours que tout est de la faute d’un contremaître retors qui fit
partie des rares rescapés. Commence un lent travail d’enquête, d’observation et
de mémoire. Un travail qui forcera aussi Michel à affronter une réalité qu’il
avait inconsciemment masquée et occultée, profondément marqué et entravé par
une histoire familiale lourde et par le poids d’un remords, celui d’être vivant
à la place du mort, celui d’avoir fui sa prédestination : mineur exploité,
étouffant sous les poussières de charbon et promis à une mort anticipée de
toutes façons.
Si le livre de Chalandon
est un vibrant hommage à un métier de chien et de courage aujourd’hui disparu de
nos contrées, il n’en reste pas moins décevant au regard de ses précédentes
productions. L’auteur semble un peu toujours à la peine pour trouver le bon
style, conserver un souffle narratif. On peut ainsi passer du meilleur (la
dernière partie, enlevée et souvent drôle malgré le caractère tragique de ce
qui s’y passe) au moins bon (les scènes de café par exemple), voire s’ennuyer légèrement
lors de digressions malvenues. Heureusement, la fin apporte une réponse
éclairante et inattendue sur un titre jusque-là énigmatique.
Publié aux Editions
Grasset – 2017 – 334 pages