Ce qui n’a pas de nom,
c’est l’horreur et la stupéfaction qui vous saisissent en tant que parents,
proches ou amis d’un jeune homme qui vient de se suicider. Ce qui n’a pas de
nom, c’est la maladie mentale qui finira par pousser un garçon brillant à ne
pas envisager d’autre solution que de se défénestrer, fuyant ce
« quatrième mur » qu’évoquent les psychiatres comme le symbole d’un
enfermement mental qui ne peut que se conclure par une mort violente que l’on
se donne à soi-même.
Piedad Bonnett, encore en
convalescence d’une récente opération chirurgicale, vient de recevoir un Prix
littéraire lorsqu’elle apprend, quelques heures plus tard par téléphone, de la
bouche de ses filles la nouvelle du suicide de son fils Daniel. Il avait
vingt-huit ans. Il était beau, doué d’un réel talent de peintre et parti faire
des études d’art et d’architecture à New-York.
Avec une langue dont
chaque mot a été pesé à l’aune de la douleur, du besoin de dire et de comprendre,
la poète et romancière s’efforce à remonter le temps. Celui où son fils vivait
encore, celui où les signes d’un grave désordre mental se multipliaient
provoquant une inquiétude de chaque instant chez des parents sans cesse
ballottés entre les propos rassurants des thérapeutes et les crises filiales
schizophréniques aussi sporadiques qu’inquiétantes et spectaculaires.
Ce récit poignant est à
la fois un acte d’amour envers un enfant auquel de grandes promesses
artistiques s’ouvraient, un cri de révolte contre l’injustice d’un infime
désordre génétique aux conséquences tragiques, un acte cathartique et
introspectif pour se défaire de toute responsabilité infondée et réapprendre à
vivre en l’absence de celui à qui l’on a donné la vie, dans la souffrance, le
sang et la déchirure ainsi que le dit l’un de ses magnifiques poèmes qui fut
d’ailleurs lu lors de l’une des cérémonies de funérailles.
Ces pages se lisent avec
une émotion de chaque instant, d’un seul trait et sont parmi le plus témoignage
qu’une mère puisse faire.
Publié aux Editions
Métailié – 2017 – 131 pages