Miguel Bonnefoy s’était fait remarquer avec son premier
roman « Le voyage d’Octavio »
qui nous donnait à parcourir son pays natal, le Venezuela, dans un déluge de
situations homériques et de phrases d’un français coloré et explosif appris sur
les bancs de l’école dans cette France devenue son pays d’adoption et de vie.
Une recette qu’il reprend en grande partie pour son deuxième roman « Sucre noir » que les lecteurs
attentifs ne manqueront pas de percevoir comme une sorte de suite à distance du
premier opus.
C’est sur une séquence d’anthologie que s’ouvre d’ailleurs
le récit du jeune écrivain. Voici que le navire du redoutable corsaire Henry
Morgan, qui pilla les mers des Caraïbes au milieu du XVIIème siècle, s’échoue
au sommet d’un arbre, pris au piège de marais sableux des côtes d’un pays qui
n’est autre qu’une nouvelle version de ce même Venezuela. S’en suit une
bataille à mort entre membres d’équipage tant pour se partager les vivres que
l’or dont le sanguinaire capitaine, malade et à bout de souffle, refuse de se
séparer. Depuis, la légende de l’existence d’un trésor fabuleux enfoui là où le bateau finit par disparaître corps
et âme n’a cessé de hanter l’esprit des hommes.
Près de trois siècles plus tard, les rivages sont désormais
habités et les marais sont devenus de fertiles champs propres à nourrir ceux
qui s’en occupent et bien au-delà. Mais la légende du trésor perdure et attire
toujours des aventuriers prêts à retourner des kilomètres de terres sous un
soleil brûlant pour tenter leur chance.
L’un d’entre eux, après s’être épuisé en vain sans jamais
rien trouver, finira par épouser la fille de la famille qui l’héberge pour
devenir, à force de labeur, de détermination et grâce à l’aide avisée d’une
épouse douée en affaires, le principal producteur de la nouvelle richesse du
pays : le sucre noir, cette mélasse extraite de la canne à sucre à partir
de laquelle s’élabore un rhum que l’on s’arrache dans le monde entier à prix
d’or.
Usant du sucre noir comme une métaphore à peine déguisée de
l’or noir dont le Venezuela est un important producteur, Miguel Bonnefoy
s’attache à nous montrer comment la folie des hommes, la cupidité, la soif de
pouvoir absolu finissent par faire d’un paradis sur terre un enfer pour tous.
On retrouve pour cela la langue hyperbolique qu’aime à manier l’auteur. Une
langue qui magnifie les femmes dont les corps et les charmes sont faits pour
envoûter les hommes. Une langue qui empile des situations cocasses dont l’issue
ne peut être qu’un apocalypse provoqué non par la colère divine mais par l’égoïsme
humain.
Voici un roman original, aux phrases colorées mais d’une
réelle noirceur, qui confirme le talent d’un jeune écrivain.
Publié aux Editions Rivages – 2017 – 208 pages