Jusqu’ici, Olivier Adam a construit son univers romanesque
et son succès en mettant en scène et en explorant la vacuité ou la violence qui
peuvent saisir certains membres de la classe moyenne rejetés dans les
périphéries urbaines. Le monde romanesque d’Olivier Adam n’est jamais calme et
apaisé. Il dit une souffrance physique ou psychologique, une difficulté
permanente à vivre, à trouver sa place parce qu’un interdit ou un secret
semblent toujours peser sur des individus en errance.
Dans son dernier roman « Chanson de la ville silencieuse », l’auteur délaisse ces
représentants anonymes pour s’intéresser à celui des stars. Pour autant, ce
n’est pas tellement à la vie de ces êtres qui occupent le devant de la scène
qu’il s’intéresse directement qu’à, une fois de plus, la souffrance qui se
cache derrière les projecteurs et les paillettes.
Un chanteur compositeur célèbre, adulé de toute une
génération, disparaît un jour sans laisser d’autres traces que sa voiture abandonnée
au bord du Rhône dans laquelle gisent ses bottes. Parce qu’un jour on montre à
sa fille une photo dans un journal d’un chanteur de rue à Lisbonne qui pourrait
ressembler à ce père qui s’est volatilisé, la jeune femme part à sa recherche
dans la ville du fado et de la saudad.
Délaissant son style habituel, plutôt percussif, Olivier
Adam tapisse son livre de très courtes phrases, souvent sans verbe. Des phrases
qui sonnent un peu comme des ritournelles des chansons qui ont fait la fortune,
la gloire de ce père qui fut toujours absent. Car la véritable douleur de cette
jeune femme devenue adulte est celle de l’absence. Absence d’une mère mannequin
sublime mais psychologiquement très instable partie vivre en Californie sans
prévenir, brisant le cœur d’un homme qui ne s’en remit plus jamais, exacerbant
ses outrances. Absence d’un père toujours en tournée et, quand il lui arrive de
se poser dans cette immense demeure retirée du monde urbain, entouré en
permanence de musiciens et de filles que l’on se partage comme on partage
l’alcool et les drogues en tous genres. Difficile de se construire quand on a
hérité de parents pareils à la fois icônes publiques et figures absentes.
Du coup, le roman d’Olivier Adam sonne comme une quête de
l’impossible, comme un dernier parcours initiatique pour se débarrasser d’une
figure trop lourde à porter et qui refusait qu’on s’empare d’elle; comme
un hommage aussi à ces artistes un brin marginaux auxquels il fait
explicitement référence mais qui ont su produire des textes poétiques,
marquants sur des musiques faites pour ne pas être oubliées sitôt consommées.
Un livre à part, relativement apaisé et nostalgique à la
fois, dans la production dense d’un des auteurs majeurs français actuels.
Publié aux Editions Flammarion – 2018 – 220 pages