29.3.18

Chanson de la ville silencieuse – Olivier Adam



Jusqu’ici, Olivier Adam a construit son univers romanesque et son succès en mettant en scène et en explorant la vacuité ou la violence qui peuvent saisir certains membres de la classe moyenne rejetés dans les périphéries urbaines. Le monde romanesque d’Olivier Adam n’est jamais calme et apaisé. Il dit une souffrance physique ou psychologique, une difficulté permanente à vivre, à trouver sa place parce qu’un interdit ou un secret semblent toujours peser sur des individus en errance.
Dans son dernier roman « Chanson de la ville silencieuse », l’auteur délaisse ces représentants anonymes pour s’intéresser à celui des stars. Pour autant, ce n’est pas tellement à la vie de ces êtres qui occupent le devant de la scène qu’il s’intéresse directement qu’à, une fois de plus, la souffrance qui se cache derrière les projecteurs et les paillettes.
Un chanteur compositeur célèbre, adulé de toute une génération, disparaît un jour sans laisser d’autres traces que sa voiture abandonnée au bord du Rhône dans laquelle gisent ses bottes. Parce qu’un jour on montre à sa fille une photo dans un journal d’un chanteur de rue à Lisbonne qui pourrait ressembler à ce père qui s’est volatilisé, la jeune femme part à sa recherche dans la ville du fado et de la saudad.
Délaissant son style habituel, plutôt percussif, Olivier Adam tapisse son livre de très courtes phrases, souvent sans verbe. Des phrases qui sonnent un peu comme des ritournelles des chansons qui ont fait la fortune, la gloire de ce père qui fut toujours absent. Car la véritable douleur de cette jeune femme devenue adulte est celle de l’absence. Absence d’une mère mannequin sublime mais psychologiquement très instable partie vivre en Californie sans prévenir, brisant le cœur d’un homme qui ne s’en remit plus jamais, exacerbant ses outrances. Absence d’un père toujours en tournée et, quand il lui arrive de se poser dans cette immense demeure retirée du monde urbain, entouré en permanence de musiciens et de filles que l’on se partage comme on partage l’alcool et les drogues en tous genres. Difficile de se construire quand on a hérité de parents pareils à la fois icônes publiques et figures absentes.
Du coup, le roman d’Olivier Adam sonne comme une quête de l’impossible, comme un dernier parcours initiatique pour se débarrasser d’une figure trop lourde à porter et qui refusait qu’on s’empare d’elle; comme un hommage aussi à ces artistes un brin marginaux auxquels il fait explicitement référence mais qui ont su produire des textes poétiques, marquants sur des musiques faites pour ne pas être oubliées sitôt consommées.
Un livre à part, relativement apaisé et nostalgique à la fois, dans la production dense d’un des auteurs majeurs français actuels.
Publié aux Editions Flammarion – 2018 – 220 pages