Claudie Gallay aime
dessiner ses histoires autour de femmes frisant la quarantaine, douces et
tranquilles. Toutes caractéristiques que Jeanne, le personnage principal de son
dernier roman, possède à un degré de concentration absolue.
Toute la vie de Jeanne
semble construite sur de la force des habitudes. Les journées sont rythmées par
la contemplation du train qui passe immanquablement à 18H01 et Dunkerque constitue
la destination immuable des vacances annuelles. Même le hasard semble être
programmé pour mieux être contenu : elle s’invente des petites règles pour
traiter les demandes faites par les clients se rendant au guichet de La Poste
qu’elle occupe et s’amuse à suivre des inconnus dans la rue, pour mettre un
brin de fantaisie, mais jamais plus de vingt minutes. Son existence semble tout
entière consacrée à son mari et à ses deux filles jumelles arrivées au seuil de
l’âge adulte et poursuivant leurs études loin du domicile familial.
Mais Jeanne cultive aussi
un jardin secret et voue une fascination passionnée pour l’artiste serbe Marian
Abramovic dont elle suit les performances douloureuses et la vie amoureuse où
chaque nouvelle histoire paraît vouée d’avance à un nouvel échec à cause de
trop d’exigences ou par absence de compromis. Alors Jeanne écrit à son idole
des lettres qui restent d’autant sans réponse qu’elles ne sont quasiment jamais
envoyées. Une sorte de journal intime juste effleuré par crainte d’aller trop
loin.
Un jour, elle retrouvera
par hasard Martin, un amour de jeunesse venu réaliser un chantier de rénovation
de fresques près de chez elle. Il y aura la tentation d’une autre vie, la
perspective vite étouffée d’une folle passion. Car Jeanne ne peut envisager de
vivre durablement en prenant des risques et de casser des habitudes qui la
rassurent et structurent des journées dont elle tente, avec modestie,
gentillesse, effacement et sens du service rendu aux autres de tirer sa beauté
à elle.
Pour dire la modestie de
cette ambition et l’apparente tranquillité, en réalité tourmentée, de Jeanne,
Claude Gallay use d’une langue d’une extrême simplicité faite de phrases
courtes, à la limite du dépouillement le plus strict. C’est leur agencement qui
en fait le charme, la musique et la poésie que sauront entendre celles et ceux
qui acceptent de se contenter des petites choses pour y voir ce qui en fait la
beauté.
Publié aux Editions Actes
Sud – 2017 – 404 pages