La rupture, ce sera celle
du barrage du Malpasset au-dessus de Fréjus, le 2 décembre 1959 emportant plus
de quatre-cents habitants sous une vague culminant jusqu’à cent mètres de
hauteur. Un barrage qu’aura contribué à construire François, un brave gars
taiseux, sans histoire, venu de la vallée d’Ugine.
Mais derrière cette
tragédie qu’évoquera l’auteur à la toute fin de son court roman et qui sert de
fil conducteur se trouvent en fait une série ininterrompue de ruptures
qu’évoque le plus souvent sobrement, voire de façon elliptique Maryline
Desbiolles. Rupture d’un jeune garçon d’avec un père qui disparaîtra à jamais
sans laisser de trace lors de la seconde guerre mondiale. Raflé, mort,
enfui ? Nul ne le sait. Rupture avec son ami d’enfance René dont il
partage la chambre alloué aux célibataires ouvriers venus travailler sur le
barrage au fur et à mesure de la radicalisation communiste de son compagnon de
chambrée. Rupture avec lui-même lorsqu’appelé sous les drapeaux en Algérie, il
découvre la brutalité de la guerre et la folie des hommes. Rupture amoureuse
avec Louise, une jeune femme rencontrée par hasard alors qu’il travaillait sur
le barrage et avec laquelle il découvrit les joies des corps amoureux mais dont
il ne retrouvera jamais la trace malgré l’attente et l’espoir de retrouvailles
une fois de retour d’Afrique.
Au fond, la vie de
François est comme ce barrage qu’il a contribué à édifier. Solide en apparence,
paisible et rassurante jusqu’à ce que les circonstances (une pluie torrentielle
continue pour l’ouvrage d’art, la guerre, les qui pro quo, les outrances pour
l’homme) finissent par faire tout exploser provoquant alors d’irrémédiables ravages
et destructions .
A son habitude, Maryline
Desbiolles sait rendre compte de ces drames avec beaucoup de pudeur, de
délicatesse et une certaine poésie aussi.
Publié aux Editions
Flammarion – 2018 – 119 pages