Un appel en pleine nuit n’est jamais bon signe. C’est précisément dans la nuit du 24 au 25 Mars 2015 que Léonor de Récondo reçut un appel de sa mère, Cécile, elle-même prévenue quelques instants plus tôt par l’hôpital de la Salpétrière que son mari, le père de Léonor, opéré le matin-même, était en train de mourir d’une septicémie foudroyante.
Les dernières heures passées au chevet d’une personne que
l’on a profondément aimée sont d’une densité et d’une texture particulières. Elles
se partagent inévitablement entre l’angoisse de la perte définitive de l’être
aimé, l’attente contradictoire du dénouement fatal, l’épuisement venant, et la
quête souvent vaine ou futile de renseignements auprès de médecins surchargés
et eux-mêmes épuisés. C’est cette expérience, la première pour la romancière et
violoniste, qui est retracée ici avec respect, pudeur et amour.
Des séries de trois chapitres très courts se succèdent au
fur et à mesure que la nuit d’agonie se déroule. Le premier donne la parole au
mourant dans un dialogue imaginaire entre lui et un de ses proches où ils se
confient réciproquement certains des souvenirs clé dont est fait une existence.
Autant de séquences qui disent l’amour fusionnel, l’amour filial, l’horreur des
guerres qui ont chassé ces familles espagnoles de leur pays, la perte
successive de trois enfants en trois ans dans d’atroces circonstances et la
réalisation par ses propres mains de sculpteur et fondeur de métaux du premier
violon pour sa fille Léonor.
Le deuxième décrit ce qui se passe dans ou autour de la
chambre du mourant, dans un hôpital dont le rythme de la nuit diffère
profondément de celui du jour. Des séquences faites de petits gestes
attentionnés, de moments de doute ou d’abattement, d’angoisse aussi.
Dans chaque chapitre terminal de ces tierces successives,
c’est Léonor qui raconte un des souvenirs qu’elle a de la vie avec son père ou
auprès de ses trois demi-frères ou sœurs désormais eux-aussi décédés, tous
jeunes.
Quiconque aura vécu un tel épisode où l’on accompagne un
proche dans ses derniers instants ne pourra que se reconnaître dans cette
succession d’images, d’émotions, d’attente épuisante aussi qui constitue le
parcours de l’accompagnant.
Publié aux Editions Sabine Wespieser – 2019 – 179 pages