Comme nous le confie l’auteur dans une courte postface
instructive, c’est en étudiant les quelques carnets non détruits par la famille
de son aïeul Pierre Victor Lardet que l’idée de faire un livre sur ce
personnage hors du commun lui vint.
Journaliste spécialisé dans la rubrique critique musicale,
Pierre Victor Lardet est envoyé au début du vingtième siècle en Amérique du Sud
pour y réaliser un reportage au long cours sur les opéras de Manaus et Buenos
Aires dont le faste des ors et le lustre des distributions causaient une
concurrence jalouse aux grandes maisons européennes.
En cette lointaine époque, voyager dans de telles contrées
nécessitait de prendre le paquebot où l’on faisait des rencontres. Pour notre
homme, ce sera celle d’une belle marquise aussi séduisante que mystérieuse. Une
femme qui l’accompagnera pour tout le reste de son existence. Une maîtresse
discrète mais passionnée toujours prête à lui sauver la face.
Une fois sur le continent sud-américain, le journaliste
entreprend un périple aventureux qui lui fera croiser les peuplades indigènes
ainsi que les révolutions multiples qui mettent aux prises et à distance des
Etats-Unis déjà hégémoniques et les diverses dictatures dont les intérêts
divergent au gré des intérêts de ceux qui s’en sont emparés.
Retenu dans un village indien, il y sera marié de force à
trois des filles du chef et survivra à la nourriture vernaculaire immangeable
grâce à la découverte du cacao mélangé à de la farine d’orge, de banane et du
sucre.
Revenu en Europe après bien des aventures amoureuses et
guerrières, lassé de travailler pour un journal ayant viré à l’extrême droite,
il se lancera dans l’aventure entrepreneuriale en créant l’entreprise, la
marque et le produit Banania. Une aventure extraordinaire à tous points de vue
qui, grâce au génie visionnaire de cet homme et à son sens de la publicité,
fera bientôt de la célèbre boîte aux relents fortement coloniaux la marque la
plus célèbre de France.
Réussir vaut autant d’amitiés intéressées que de jalousies
occultes, sans parler des aigrefins attirés par l’appât du gain. Après avoir
côtoyé les sommets de la célébrité et de la reconnaissance nationale qui lui
vaudront le surnom du « Roi chocolat », Pierre Victor Lardet commettra
une série d’imprudences et prendra une suite de mauvaises décisions qui le
précipiteront, lui et sa famille, dans la pauvreté et l’anonymat. Or, le seul
pardon possible pour la ruine dans une grande famille c’est l’oubli, celui dans
lequel cet aventurier de génie, un peu fantasque, très séducteur, à l’entregent
certain fut plongé près d’un siècle durant avant que de ressortir en pleine
lumière dans ce formidable roman aussi bien troussé que magnifiquement écrit.
Une réussite !
Publié aux Editions Gaïa – 2018 – 427 pages