Derrière ce titre
quelque peu étrange se cache en réalité un passionnant roman que vous pourrez
difficilement lâcher avant que d’en avoir achevé la lecture. Un roman qui pose
de nombreuses questions fort pertinentes pendant qu’il est d’ailleurs encore
temps de se les poser !
Trois jeunes
ingénieurs fraîchement diplômés d’une grande école du plateau de Saclay décident
de tenter la grande aventure entrepreneuriale. Leur idée de base :
répliquer, ni plus ni moins, le fonctionnement du cerveau humain en s’appuyant
pour cela sur les plus récentes puces permettant les traitements massivement
parallèles et sur les travaux les plus avancés en Intelligence Artificielle. Un
trio qui ne doute de rien mené par une jeune femme aussi séduisante qu’ambitieuse,
un geek roi de la programmation en systèmes complexes et un spécialiste du hardware
et de l’architecture par ailleurs cycliste chevronné.
L’une des grandes
originalités et réussites du roman est d’ailleurs d’insérer de fréquentes et
longues séquences consacrées à la pratique cycliste en milieu compétitif, pas
tant pour les détails techniques que seuls les férus du genre sauront apprécier
mais plus pour souligner comment le travail sur soi en vue de la recherche
optimale de ses performances fait prendre conscience que, pour atteindre l’excellence,
tout compte dont la compréhension intime des fonctionnements de sa psychée et
de son organisme.
Une compréhension
qui permettra alors, par translation sur les travaux de la start-up, de
franchir des caps successifs majeurs grâce à l’association de différentes
techniques les plus en pointe. Car c’est en quittant l’approche traditionnelle
de l’IA (le deep learning qui permet, par absorption de quantité de données et
programmation par approches successives de mettre au point des processus et
méthodes de réponses plus rapides, plus efficaces et moins chères que celles
permises par les experts humains) et en s’intéressant au rôle de la biochimie
dans le cerveau que la start-up va prendre une toute nouvelle dimension. Dès lors,
une nouvelle IA va voir le jour, d’une puissance insoupçonnée. Une invention
démoniaque qui va cependant peu à peu échapper au contrôle de ses créateurs et
bouleverser potentiellement tout l’équilibre du monde tel que nous le
connaissons.
La réponse ne
pourra alors venir que d’une nouvelle forme d’intelligence capable de cumuler
les performances de l’IA avec les capacités humaines. Viendra l’ère ces
Centaures, une élite intellectuelle et financière seule habilitée à
progressivement quitter leur enveloppe humaine pour dans un premier temps
contrer les machines devenues hostiles puis définir un nouvel ordre à l’échelle
planétaire avant que de conquérir un ensemble plus vaste.
Derrière cette
histoire fort bien menée et qui sait tenir le lecteur en haleine de bout en
bout sont en réalité abordés de nombreux sujets philosophiques. Qu’est-ce-que
la conscience ? Faut-il ou non en doter les IAs ? Quelle est la place
de l’Homme dans une société en voie de numérisation massive ? La violence
est-elle la seule forme possible pour régler les concurrences dans l’interminable
lutte de l’évolution ? Jusqu’où, de façon générale, voulons-nous
véritablement aller une fois qu’informatique, biochimie et neuroscience auront
massivement convergé ce qui est en train d’être le cas ?
Autant de
questions qu’Olivier Silberzahn ne découvre pas en tant que Polytechnicien (et
cycliste !) ayant mené toute une partie de sa carrière sur ces sujets
hautement technologiques. Comme il le rappelle lui-même en fin d’ouvrage, l’ensemble
des technologies et travaux auxquels il fait explicitement référence existent.
Rien n’est inventé. Seules les évolutions envisagées à moyen et long-terme,
dans toute leur forme extrême proposée dans ce roman, sont des hypothèses parmi
plusieurs scenarii possibles.
Tout cela est
passionnant, un brin terrifiant et en appelle à nos consciences humaines avant
que les machines ne répondent à notre place et n’imposent leur propre logique.
CQFD…
Publié aux
Editions Maurice Nadeau – 2019 – 396 pages