20.8.19

Augmentus – Chroniques du Cyclocentaure à l’ére de l’Intelligence Artificielle – Olivier Silberzahn



Derrière ce titre quelque peu étrange se cache en réalité un passionnant roman que vous pourrez difficilement lâcher avant que d’en avoir achevé la lecture. Un roman qui pose de nombreuses questions fort pertinentes pendant qu’il est d’ailleurs encore temps de se les poser !

Trois jeunes ingénieurs fraîchement diplômés d’une grande école du plateau de Saclay décident de tenter la grande aventure entrepreneuriale. Leur idée de base : répliquer, ni plus ni moins, le fonctionnement du cerveau humain en s’appuyant pour cela sur les plus récentes puces permettant les traitements massivement parallèles et sur les travaux les plus avancés en Intelligence Artificielle. Un trio qui ne doute de rien mené par une jeune femme aussi séduisante qu’ambitieuse, un geek roi de la programmation en systèmes complexes et un spécialiste du hardware et de l’architecture par ailleurs cycliste chevronné.

L’une des grandes originalités et réussites du roman est d’ailleurs d’insérer de fréquentes et longues séquences consacrées à la pratique cycliste en milieu compétitif, pas tant pour les détails techniques que seuls les férus du genre sauront apprécier mais plus pour souligner comment le travail sur soi en vue de la recherche optimale de ses performances fait prendre conscience que, pour atteindre l’excellence, tout compte dont la compréhension intime des fonctionnements de sa psychée et de son organisme.

Une compréhension qui permettra alors, par translation sur les travaux de la start-up, de franchir des caps successifs majeurs grâce à l’association de différentes techniques les plus en pointe. Car c’est en quittant l’approche traditionnelle de l’IA (le deep learning qui permet, par absorption de quantité de données et programmation par approches successives de mettre au point des processus et méthodes de réponses plus rapides, plus efficaces et moins chères que celles permises par les experts humains) et en s’intéressant au rôle de la biochimie dans le cerveau que la start-up va prendre une toute nouvelle dimension. Dès lors, une nouvelle IA va voir le jour, d’une puissance insoupçonnée. Une invention démoniaque qui va cependant peu à peu échapper au contrôle de ses créateurs et bouleverser potentiellement tout l’équilibre du monde tel que nous le connaissons.

La réponse ne pourra alors venir que d’une nouvelle forme d’intelligence capable de cumuler les performances de l’IA avec les capacités humaines. Viendra l’ère ces Centaures, une élite intellectuelle et financière seule habilitée à progressivement quitter leur enveloppe humaine pour dans un premier temps contrer les machines devenues hostiles puis définir un nouvel ordre à l’échelle planétaire avant que de conquérir un ensemble plus vaste.

Derrière cette histoire fort bien menée et qui sait tenir le lecteur en haleine de bout en bout sont en réalité abordés de nombreux sujets philosophiques. Qu’est-ce-que la conscience ? Faut-il ou non en doter les IAs ? Quelle est la place de l’Homme dans une société en voie de numérisation massive ? La violence est-elle la seule forme possible pour régler les concurrences dans l’interminable lutte de l’évolution ? Jusqu’où, de façon générale, voulons-nous véritablement aller une fois qu’informatique, biochimie et neuroscience auront massivement convergé ce qui est en train d’être le cas ?

Autant de questions qu’Olivier Silberzahn ne découvre pas en tant que Polytechnicien (et cycliste !) ayant mené toute une partie de sa carrière sur ces sujets hautement technologiques. Comme il le rappelle lui-même en fin d’ouvrage, l’ensemble des technologies et travaux auxquels il fait explicitement référence existent. Rien n’est inventé. Seules les évolutions envisagées à moyen et long-terme, dans toute leur forme extrême proposée dans ce roman, sont des hypothèses parmi plusieurs scenarii possibles.

Tout cela est passionnant, un brin terrifiant et en appelle à nos consciences humaines avant que les machines ne répondent à notre place et n’imposent leur propre logique. CQFD…

Publié aux Editions Maurice Nadeau – 2019 – 396 pages