Pas facile pour
Jojo, treize ans, de se faire une place dans le monde. Surtout si l’on est un
jeune noir, pauvre, au fin fond de l’Amérique rurale du Sud où le racisme
continue de s’exprimer sous des formes plus ou moins violentes.
Délaissé par sa
mère qui noie son chagrin et ses échecs à coups de drogues en tous genres, loin
d’un père blanc emprisonné dans un des pires camps de l’Etat et rejeté lui-même
par ses parents pour avoir fait des gosses à une Noire, Jojo est élevé par ses
grands-parents maternels. Un grand-père qu’il adore mais qui a vécu un
traumatisme quand il fut lui-même emprisonné à tort dans le même camp où se
trouve désormais le père de Jojo. Un vieillard dur à la tâche et taiseux. Un
homme bouleversé par la mort qui rôde autour de son épouse, dévastée par un
cancer qui se propage inexorablement dans un corps usé jusqu’à la corde. Du
coup, Jojo est devenu aussi le père de substitution de sa petite sœur Kayla
dont il s’occupe avec un soin attentif, lui témoignant l’amour qu’il aimerait
recevoir de ses propres parents plutôt prompts à retourner des torgnoles qu’à
manifester leur intérêt pour des gamins dont ils n’ont que faire.
Mais, et c’est ce
qui est au cœur du livre, ce sont surtout les morts qui hantent ces pages et
ces vies. Mort du frère de la mère de Jojo, assassiné par ses camarades blancs
de chasse alors qu’il n’était encore qu’un gamin. Mort du compagnon de chambrée
du grand-père dans des circonstances atroces que nous découvrirons en fin de
roman. Morts qui interpellent sans cesse les pensées des vivants au point d’entraver
leur avancée, de les enchaîner à un passé dont ils ne parviennent pas à se
défaire.
Pour s’en
débarrasser, il faudra trouver les intermédiaires qui ont le don de les voir,
de leur parler, de les maîtriser et de les faire disparaître à jamais. Pour y
parvenir, il faudra passer des épreuves personnelles, gagner en autorité et
confiance en soi, apprendre à devenir adulte enfin pour la jeune génération qui
va devoir accomplir un rituel rendu de manière aussi terrifiante que réaliste
dans une fin de roman hallucinée.
Cependant, malgré
les critiques élogieuses et un nouveau National Book Award pour Jesmyn Ward
reçu en 2017, je dois avouer m’être profondément ennuyé à la lecture de ce
roman. A cela, la difficulté tout d’abord à saisir clairement qui sont les
personnages, entre les vivants et les morts, les noirs et les blancs. Il faut
arriver à un bon tiers du récit pour que ceci commence à s’éclaircir, un peu !
Ensuite, l’écriture y est souvent pesante rendant la progression lente au point
de sembler fréquemment tourner en rond. Au risque de paraître iconoclaste, j’exprimerai
donc de profondes réserves sur ce livre qui m’a laissé totalement sur le côté
mis à part les vingt dernières pages fort réussies quant à elles.
Publié aux
Editions Belfond – 2019 – 270 pages