4.5.20

Mon année de repos et de détente – Ottessa Moshfegh



La jeune New-Yorkaise au centre de ce deuxième roman de l’écrivain américaine d’origine iranienne Ottessa Moshfegh avait tout pour réussir dans la jungle capitaliste sans pitié où elle réside. Pour cela, deux atouts maîtres. Tout d’abord, un diplôme obtenu à la prestigieuse université de Columbia censé lui ouvrir bien des portes. Ensuite, et presque surtout, une beauté fatale faisant d’elle l’idéal féminin américain et la reine incontestée dans toutes les soirées où elle s’est rendue jusqu’ici.
Mais voilà que la dépression qui rôdait a frappé. Après la mort de ses parents, elle a envoyé balader son petit ami avec qui elle entretenait des relations pour le moins houleuses et son boulot de galeriste qu’elle détestait au plus haut point. Son obsession et unique projet : rester enfermée chez elle, dans le petit appartement qu’elle a pu se payer grâce à l’héritage parental, et dormir le plus longtemps possible, loin du monde et de ses soubresauts. Pour cela, il lui faudra se procurer une impressionnante collection de somnifères que l’étrange et préoccupant Docteur Turtle lui prescrira sans barguigner.
Dès lors, rien ne semblerait empêcher la réalisation d’un projet qui consiste à s’abrutir chimiquement pour échapper au monde. Si ce n’est que le dit monde ne cesse de se rappeler à elle sous les formes les plus inattendues et souvent cocasses. Un monde aux allures de sa colocataire de chambrée universitaire qui ne cesse de s’inviter pour l’abrutir de ses propres problèmes et déverser sur elle ses angoisses permanentes. Un monde où l’ex-petit ami se trouve convoqué comme une urgence impossible à satisfaire depuis qu’il s’est lui-même recasé. Un monde qu’elle-même ne cesse de rejoindre de manière quasi-somnambulique, sans en conserver le moindre souvenir mais en collectionnant les preuves troublantes, disséminées dans son appartement, de virées avec des inconnus complétées d’achats frénétiques sur internet. Un monde qui ne cesse de frapper à sa porte, plein de vanité, d’égoïsme bête et brutal, de futilité désespérante.
Il lui faudra prendre une décision radicale pour réaliser son projet bientôt détourné en performance artistique aussi vaine que sa propre démarche…
Ottessa Moshfegh signe un grand roman moderne, décapant, drôle, sans concession sur une Amérique où la folie semble régner en maître.
Publié aux Editions Fayard – 2019 – 301 pages