1.11.20

Les petits de Décembre – Kaouther Adimi

 


La lauréate du Prix Renaudot des lycéens et du Prix du Style 2017 avec « Nos richesses » revient sur la scène littéraire avec un quatrième roman en forme de conte.

 

Dans la cité du 11 Décembre 1960 (date commémorative des grandes manifestations pour l’indépendance de l’Algérie) vivent en toute tranquillité des familles de militaires désormais à la retraite. Depuis toujours, un terrain vague trône au milieu de ces immeubles et sert de terrain de jeu et de stade de foot aux enfants de la cité. Une situation qui convient à tout le monde et offre un peu de rêve et d’évasion aux gamins qui manquent de réelles perspectives.

 

Cependant, débarquent un jour d’une voiture noire blindée, typique des gens de pouvoir, deux hommes habillés de longs manteaux, affublés de lunettes noires et tenant à la main des plans. Les gamins ont tôt fait de démasquer deux généraux venus s’accaparer le terrain pour y faire construire leurs grosses villas maintenant que leur propre retraite approche.

 

Bien décidés à ne pas se laisser faire, les enfants de la cité, ceux que l’on appellera bientôt les Petits de Décembre, vont chasser les généraux à coups de pierres et ourdir un plan pour occuper le terrain et tenter de s’opposer à ce qui constitue une manifestation supplémentaire d’un abus de pouvoir des nantis et des puissants.

 

Commence alors une guerre d’un genre nouveau pour des militaires plus habitués à faire rendre gorge par la force qu’à lutter contre des égéries de la révolution venues prêter main forte aux enfants bien décidés à résister.

 

A l’aide phrases courtes, simples et claires, Kaouther Adimi nous entraîne au coeur des problèmes qui gangrènent son pays. La corruption omniprésente, les relations personnelles pour faire avancer la moindre de ses causes, le machisme omniprésent, la confiscation des richesses nationales aux mains des puissants, la dictature qui ne dit pas son nom mais qui n’a jamais vraiment cessé depuis l’indépendance. Mais un facteur fait bouger les lignes : l’arrivée des médias sociaux qui permettent d’exposer les abus, de mettre en accusation un système, d’en souligner les limites et les défaillances. Ce sont eux qui ont permis les printemps arabes. Ce sont eux qui vont causer le plus de soucis aux généraux ridiculisés pour parvenir à leurs fins.

 

Ce roman en forme de conte est un roman qui parle aussi indirectement de son auteur. En effet, celle-ci est fille de militaire. Elle a vécu en Algérie jusqu’à l’âge de quatre ans avant de venir avec ses parents en France puis de retourner au pays quelques années plus tard, en 1994, en plein terrorisme islamiste. Francophile convaincue, Kaouther Adimi tente à sa manière de rendre hommage à celles et ceux, petits, anonymes qui tentent de faire bouger les choses dans un pays où beaucoup reste à faire pour promouvoir une véritable démocratie.

 

Publié aux Éditions du Seuil – 2019 – 248 pages