Attendre un enfant puis prendre soin du petit être qui vient juste de naître peut être source de joie comme d’intense angoisse selon le degré de désir qui a prévalu à l’intention de grossesse. Pour ces femmes qui se croisent dans une petite ville rurale des États-Unis, le chemin menant à la conception aura pris ou prendra bien des allures différentes. Quatre d’entre elles sont des adolescentes dont l’une est mariée à un garçon immature, à dix-huit ans à peine, et déjà mère d’un petit bébé. Une autre est fille-mère, aussi stupide qu’incapable, engrossée par un type qui s’est tiré dès qu’il eut vent de la nouvelle. Une autre encore vient de tomber enceinte après un rapport frustre et frustrant avec un camarade de lycée qui s’est dépêché d’oublier une expérience fortement alcoolisée. La dernière, ange lumineux et plein de douceur, élève seule son bébé auquel elle voue un amour total, intense, d’une dimension presque aussi mystique que ses rêves d’évasion vers un ailleurs aux senteurs libertaires.
Pendant ce temps convergent vers cette bourgade deux autres femmes, un peu plus âgées. L’une vient d’acheter une immense propriété où elle vit seule dans le souvenir dépressif d’une relation amoureuse qui a mal tourné tandis que son voisin, marié à la mère d’une des adolescentes, tombe sous son charme mélancolique. L’autre vient passer avec son compagnon enseignant en art et peintre quelques semaines en pleine nature qui vont changer leur vie et la placer sous le signe multiple de la mère et l’enfant après une rencontre avec la jeune mère solaire et son bébé qui va inspirer au peintre un tableau chargé de poids symbolique.
Et tout autour de ces êtres en souffrance rôdent des personnages inquiétants et fous dont les desseins inquiétants et psychotiques vont venir se heurter aux vies de plus en plus chaotiques de ces femmes en pleine tourmente et en total désarroi. Car ce roman polyphonique de Joyce Maynard est sombre, très sombre. Il nous donne à voir et entendre la vie et la voix de jeunes femmes dont les vies entremêlées sont brisées. En cause les déceptions amoureuses, le regard tantôt méprisant, concupiscent ou adoratif des hommes sur elles, la difficulté à trouver sa place, le coût de la vie, le sens même de leur existence terrestre. Toutes rêveraient d’une vie idéale, d’une famille stable et aimante, du genre de celle promise par les radios et les télévisions de cette Amérique encore conquérante des années soixante-dix. Toutes sont en train de sombrer dans la désillusion voire le désespoir comme un Baby Love furtif qui se serait changé en un Baby Blues définitif. Car ne sonnent que de vaines promesses tandis que les échecs ne cessent de résonner.
Publié aux Éditions Philippe Rey – 2013 – 302 pages