Dans ce roman, l’auteur délaisse l’univers souvent allégorique de ses nombreuses nouvelles pour emprunter les pistes du roman noir. Une route où vient fréquemment planer la fameuse ‘ombre de ce que nous avons été’ qui avait donné son titre au beau roman traduit et publié en 2010. Cette ombre, c’est celle du passé dont on pense s’être affranchi surtout s’il fut lourd, violent et combatif et qui revient planer au-dessus de ces personnages alors qu’ils pensaient avoir définitivement tourné la page et payé leurs dettes.
C’est précisément le cas de Juan Belmonte, un homme qui porte le même nom qu’un célèbre torero espagnol, vivant avec sa compagne Veronica en Patagonie, loin de tout. Une distance physique et sociale indispensable pour oublier les tortures infligées et les atroces sévices subis dans les geôles d’Allende pour une femme qui n’a trouvé son salut qu’en se réfugiant définitivement dans le silence. Une retraite nécessaire à celui qui fut tireur d’élite dans les services secrets russes et homme de main chargé de liquider ceux qu’un pouvoir intolérant avait désignés comme indésirables. Et même si l’on pensait finir sa vie tranquille, ceux qui reviennent exiger de vous un dernier service savent bien faire comprendre qu’il n’y aura aucun moyen de refuser.
Voilà donc Belmonte reparti sur le terrain où il va se trouver rapidement confronté à son passé. Un passé où plane l’ombre de celui qui fut l’ataman des Cosaques partis combattre aux côtés des troupes nazies du IIIème Reich. Un passé où les anciens agents secrets d’un empire soviétique qui s’est effondré ont repris du service auprès d’employeurs disposés à payer grassement leurs compétences. Un passé où planent les ombres de ce que tous ont été et ne finiront de l’être qu’une fois leur vie achevée dans la violence, la souffrance ou, plus rarement, le repentir.
Luis Sepúlveda signe un roman saisissant où l’on découvre l’histoire tragique de ces guerriers cosaques qui firent le pire des choix aux moments les plus noirs du XXème siècle.
Publié aux Éditions Métailié Noir – 2017 – 198 pages