En Décembre 2003, dans la station de métro Gambetta à Paris,
Michèle Lesbre fut approchée un court instant par un vieil homme qui lui glissa
quelques mots avant de se jeter sous ses yeux sous les roues de la rame qui
entrait en gare. Ce fut pour l’auteur un moment d’une grande violence et qui la
marqua à vie. Un premier roman, « Le canapé rouge » rendit un hommage
à cet anonyme. Il en devient le point de départ, le fil conducteur de ce deuxième
très beau roman.
Tout commence ainsi pour la femme qui est au centre de ce
récit comme Michèle Lesbre le vécut elle-même. Un vieil homme l’approche, lui
sourit et se jette sur les voies du métro qui passe. Profondément ébranlée par
cette violence et ce contraste insaisissable entre cette amabilité de surface
et cette noirceur, cette douleur qui poussent au geste ultime, la femme sort en
hurlant du métro.
Cet incident se produit alors qu’elle vit elle-même une
période charnière de sa vie. Voici quelque temps qu’elle s’est installée dans
une relation difficile avec un photographe. Elle habite Paris, lui Nantes.
Chaque week-end, quand il n’est pas quelque part dans le monde à couvrir un
événement ou une catastrophe, elle part le rejoindre dans un hôtel d’une petite
station balnéaire bretonne où elle passait enfant ses vacances d’été. Elle
devait d’ailleurs s’y rendre ce soir là et ne le fera pas car il lui faut
évacuer ce stress intense qu’elle vient de vivre.
Errant dans les rues de la capitale, débarquant à l’improviste
dans une soirée où elle n’est pas attendue et où elle hurlera sa douleur,
terrée dans son appartement, elle se livre à une réflexion décousue mais
lancinante, tentant de reconstruire une vie à ce vieil homme qu’elle n’a
rencontré que pour quelques secondes fatales. Mais surtout, elle s’interroge
sur cette relation amoureuse, le choc qu’elle vient de subir jouant le rôle de
déclencheur d’une interrogation salutaire, presque une urgence. Voici des mois,
des années peut-être que cette relation dure sans véritablement exister pour de
bon. Les cohabitations furent des échecs, les disputes s’enchaînant aux
ruptures.
D’ailleurs, elle ne répondra pas au message que son amant
lui a sans doute laissé sur son répondeur, elle ne le préviendra pas non plus
de son empêchement comme si, inconsciemment, elle voulait lui laisser le soin
d’une rupture. Tentation qu’elle lui donnera la possibilité aussi d’écarter en
lui laissant, au bout de vingt-quatre heures de désarroi, de tristesse et de
réclusion, un énigmatique message en forme d’amour « Ecoute la
pluie ». Sans doute aura-t-elle choisi de laisser vivre cet amour qui
l’habite mais elle veut que ce soit lui qui en décide, qui éclaircisse ces
nombreuses zones d’ombre qu’elle aura eues le courage enfin d’affronter.
Michèle Lesbre signe ici un roman d’une extrême sensibilité
et qui nous touche au plus profond. Un roman d’une grande pudeur, superbement
écrit, et que nous ne saurons que trop vous encourager à découvrir.
Publié aux Editions Sabine Wespieser – 2013 – 100 pages