Voici un témoignage des plus émouvants que tout un chacun
devrait lire. Celui d’une femme, Angèle Lieby, dont la vie m’a basculé tout à
coup comme cela pourrait arriver à n’importe qui. Jusqu’ici, Angèle, âgée de
cinquante-sept ans, a mené une vie sans grands problèmes. Elle bénéficie d’une
bonne santé, fait du sport, participe régulièrement aux dix kilomètres de
Strasbourg où elle habite, part avec son mari faire de longues courses en
montagne l’été, exerce un métier assez physique sans jamais se plaindre.
Mais en cette veille de quatorze Juillet, elle est prise
d’un mal de tête violent et qui ne passe pas. A tel point qu’elle se fait
conduire par son mari à l’hôpital où l’on ne trouve rien et est sur le point de
la renvoyer avec un brin de moquerie envers une patiente que l’on trouve bien
douillette. Et puis c’est le grand trou noir. Quand Angèle revient à une forme
de conscience, elle réalise par les propos tenus autour d’elle qu’elle est dans
le coma, en réanimation, placée sous respirateur artificiel. Elle induit aussi
que les médecins sont incapables de la diagnostiquer, qu’ils ne comprennent pas
ce qui a pu se passer. Car Angèle, bien que totalement végétative, incapable du
moindre mouvement, ne réagissant à absolument aucun stimulus entend tout ce qui
se passe autour d’elle.
Commence alors un long calvaire où son angoisse fondamentale
est qu’on l’incinère vivante non sans lui avoir prélevé au préalable divers
organes car elle est donneuse. En effet, les médecins sont tellement persuadés
qu’elle est en état de quasi-mort qu’ils ont même ordonné à son mari de
s’occuper de ses obsèques et de prendre toute disposition puisqu’elle n’en a
que pour quelques jours tout au plus.
Grâce à l’amour extraordinaire de son mari et de leur fille
énormément présents auprès d’elle, grâce au refus aussi de son époux de se
résigner et de la considérer comme perdue, elle va finir par trouver la force
de faire couler une minuscule larme que sa fille saura voir et qui changera
tout d’autant qu’un microscopique mouvement d’un petit doigt viendra nier à
nouveau l’évidence médicale qui la considérait comme presque morte et sans
espoir de guérison quelconque.
Soutenue par cet amour et par une équipe médicale qui change
alors de posture, elle parviendra progressivement au bout d’une année, à force
de volonté farouche, à revenir à une vie quasi normale avec une obsession en
tête, celle de témoigner au nom de tous ces gisants considérés comme perdus à
jamais. Témoigner qu’un malade a priori inconscient n’est pas un objet mais un
être vivant qui comprend ce qui se passe autour de soi, qui souffre lors de
soins à la imite de la barbarie et dispensés à la va-vite parce que les équipes
sont débordées ou considèrent que le patient ne ressent rien, donc pourquoi le
traiter avec délicatesse. Témoigner aussi que l’on peut s’en sortir grâce à la
volonté, sous condition d’amour familial et du soutien indéfectible d’une
équipe de soignants qui porte un regard positif sur les malades. Témoigner
aussi que certains médecins, certaines infirmières n’ont pas leur place en milieu
hospitalier du fait de leur comportement ou de leurs propos dévastateurs.
Tout cela est dit sans haine, avec un souci de vérité,
d’introspection factuelle, une capacité à affronter une souffrance extrême qui
soulèvent admiration et compassion de la part du lecteur. Un décidément
magnifique témoignage, rare et sincère.
Publié aux Editions les arènes – 2012 – 232 pages