Voici une essai à conseiller absolument avant de se lancer
tête baissée dans la moindre opération de défiscalisation immobilière.
De façon très documentée, s’appuyant sur un luxe d’exemples
réels et concrets, démontant sans état d’âme les rouages et les pièges des
textes de loi, Erwan Seznec, journaliste investigateur, met en évidence en quoi
l’immobilier de défiscalisation constitue probablement l’un des plus grands –
et certainement le plus coûteux – scandales de la Cinquième République.
S’il existe des programmes de qualité qui permettent de
défiscaliser tout en constituant un patrimoine immobilier solide, ceux-ci sont
cependant rares et réservés à une clientèle fortunée, triée sur le volet et
bien informée.
Pour le reste de la population, sous prétexte de
défiscalisation, tout est bon à faire, à prendre et à vendre. Peu importe la
valeur à terme. Peu importe l’impossibilité de louer du fait d’un marché
saturé, de logements insalubres car mal ou jamais finis ou situés dans une zone
inaccessible quand ce n’est pas le tout en même temps ! Seul compte de
vendre vite, en utilisant des méthodes musclées, à la limite extrême du harcèlement,
ciblant les plus faibles, les plus mal informés, les plus éloignés aussi et
surtout d’un chantier qu’il sera impossible d’écouler sur place car les locaux
savent trop bien que le programme est invendable.
A coups de plans de financements aussi irréalistes que
fantaisistes, jouant sur la confiance et la naïveté des gens, une armée de
vendeurs aux armes fourbies trouvera toujours les pigeons de service à qui
fourguer une camelote à un prix outrageusement surévalué.
Du coup, ce sont probablement des centaines de milliers de
foyers français qui, s’ils ne s’en sont pas encore aperçus, vont se retrouver
au piège. Croyant avoir réalisé une bonne opération financière généreusement
autorisée par le fisc, ils vont en fait se retrouver à la tête d’un bien qui va
tourner en cauchemar, devenir un gouffre sans fond et provoquer la ruine des
pus fragiles d’entre eux.
Mais qu’importe car, entretemps, les promoteurs se seront
enrichis, les politques auront été réélus sur la base de promesses de créations
d’emplois et d’activités dérivées rarement au rendez-vous. L’Etat n’aura pas
fait une mauvaise affaire non plus ayant empoché au passage la TVA sur la
construction, les impôts immobiliers, les frais d’actes notariés, les
contributions sociales sur les emplois générés. Seuls seront plumés ceux qui
auront cru au miroir aux alouettes !
Le bâtiment constitue l’un des plus puissants lobbies
nationaux comme le démontre l’auteur. Un lobby capable de faire voter en
catimini des lois dont il aura rédigé lui-même les textes. Un lobby entretenu
par les banques vivant des crédits immobiliers accordés à la pelle et d’autant
plus facilement que leur gestion est parfois déléguée à des officines qui ne
sont rien d’autres que des émanations des promoteurs eux-mêmes ! Un lobby
faisant vivre des notaires avec lesquels ils sont en cheville. Bref, un petit
monde interlope de combines, d’arrangements entre amis, d’intérêts croisés,
d’amateurisme et de courte vue pourvu que tout cela permette de s’enrichir
vite. Et puis, de toutes façons, un autre texte de loi viendra bientôt
remplacer le dispositif précédant, sans que jamais personne n’y mette un terme,
alors pourquoi se priver ?
Seuls seront plumés ceux qui n’auront pas eu la présence
d’esprit de procéder à des vérifications de base, à commencer par celle de se
rendre sur place et d’interroger les locaux. Cela leur aurait évité de se
retrouver pris au piège d’un système quasi-mafieux bien rodé.
Un livre sulfureux et indispensable.
Publié aux Editions du Seuil – 2013 – 189 pages