La Fortune de mer, c’est le privilège de pouvoir s’arroger
ce que la mer a rejeté sur les côtes. Un rejet dont souvent l’origine est
malheureuse, voire fatale, les épaves constituant fréquemment la matrice de ses
émissions imprévisibles.
Lorsque Romain Lescot embarque dans le petit Cessna qui fait
la navette entre Brest et l’île d’Ouessant, il pense avoir trouvé sa fortune de
mer du jour en la personne de Lucia Parma (la lumière pourpre), une jeune et
jolie journaliste Espagnole venue accompagner deux autres passagers qui se
révèlent être le chef des druides et son assistant venus célébrer un mariage
celtique. En effet, l’ile d’Ouessant est réputée pour ses constructions
mégalithiques au sein des quelles se tiennent des réunions plus ou moins
secrètes où l’on célèbre les éléments dans une tradition panthéiste
multimillénaire.
Lescot quant à lui se rend régulièrement sur l’île pour
vérifier la qualité du miel produit par les colonies d’abeilles noires, ces
insectes ayant été réintroduits sur place. Elles y bénéficient d’un écosystème
unique, libéré de toute pollution leur permettant de produire un miel rare et
très recherché.
Mais voilà, vivre sur Ouessant c’est devoir composer, l’été
passé, avec une météo aussi changeante que fréquemment violente, ce bout de
terre étant le dernier bastion marquant la route vers l’Amérique, un grand
rocher planté aux confins de la Manche et de l’Atlantique ce qui lui vaut des
tempêtes mémorables.
Dans ce huis-clos balayé par les vents, Jean-Luc Coatalem
élabore une intrigue où l’angoisse ne cesse de monter. Une angoisse qui
s’articule autour de la disparition soudaine et mystérieuse de la belle Lucia,
du trouble irrépressible que Romain éprouve envers elle et de la folie
alcoolique et hallucinatoire d’un chanteur vivant sur place et qui vient de se
faire larguer par sa compagne, ex-gagnante de la Star Academy.
Il est facile de perdre ses repères à Ouessant quand le vent
souffle à rendre fou, quand la terre pleine de bruyères se gorge d’eau et que
les fondrières vous tendent d’innombrables pièges. Sans compter sur des
habitants taiseux et entretenant un mélange de méfiance et de haine envers ces
continentaux qui ne respectent rien et ne savent pas boire.
Rancoeurs et passions combinées aux éléments déchaînés et à
l’impossibilité de fuir une mer qui ne tarderait pas à vous avaler pour vous
faire digérer par une pieuvre géante selon les contes et légendes vernaculaires
forment une trame idéale pour que l’auteur nous tisse un récit habile,
inquiétant et troublant. Un récit fait d’une langue moderne et puissante non
absente de cocasserie.
Le cocktail est explosif mais jouissif pour le lecteur.
Publié aux Editions Stock – 2015 – 173 pages