Etrange objet
littéraire que ce deuxième « roman » de l’ex-libraire passée de
l’autre côté du comptoir depuis. Un objet tellement déroutant que, parvenu à la
moitié de la prose aussi délirante que déjantée, j’ai enfin décidé de lire la
quatrième de couverture afin de comprendre enfin le propos de l’auteur qui
m’avait jusqu’alors totalement échappé… Or donc, ne commettez pas la même
erreur avant de vous embarquer dans un bouquin qui secoue et que l’on croit
souvent avoir été écrit sous l’emprise de drogues dures.
A l’aube des
années quatre-vingt, l’Amérique s’apprêtait à vivre de nouveaux drames. Parmi
les innombrables crimes que permet la circulation libre d’armes dans un pays où
la violence est omniprésente, deux actes allaient frapper les esprits.
L’assassinat de John Lennon, sous les yeux de Yokohama, par Mark David Chapman
et, à quelques mois d’intervalles, la tentative d’assassinat de Ronald Reagan
par John Hinckley.
Deux actes
insensés dont Héloïse Guay de Bellissen fait le prétexte pour tisser une
construction parallèle qui nous balance sans concession de la vie de Mark à
celle de John, de leur enfance au passage à l’acte. Mark était un petit gros obnubilé
par les Beatles. John, un jeune homme solitaire, amoureux obsessionnel de Jodie
Foster découverte dans Taxi driver et devenue l’égérie de la presse people.
Deux hommes blancs,
paumés qu’un intermédiaire imaginaire, l’écrivain Holden, coincé dans la tête
de ces deux détraqués et servant donc de passe-muraille de l’un à l’autre nous
raconte tout en étant lui-même à la poursuite désespérée de son successeur,
l’homme de lettres Salinger à qui il tente de demander qu’il écrive une suite
(sans que l’on ne sache trop bien de quelle suite il s’agisse là…). Vous me
suivez toujours ?
De ce jeu de
miroirs pour détraqués complets relevant de l’asile ou de la chaise électrique,
Héloïse Guay de Bellissen fait un prétexte pour décrire dans une langue imagée
et très libre les échecs d’une société qui laisse de plus en plus de gens de
côté, vivant à toute allure, mélangeant une apparente tolérance décontractée
avec une sélection farouche.
Saluons
l’originalité d’un livre abrasif, cocasse et en marge. Un ouvrage qui pourra
trouver son public mais qui risque d’en laisser en chemin un grand nombre tant
suivre la pensée et le fil de l’auteur relève d’une épreuve.
Publié aux
Editions Anne Carrière – 2015 – 236 pages