22.1.16

Ce cœur changeant – Agnès Desarthe


Auréolé du Prix Littéraire du Monde 2015 et bien considéré par la critique, le dernier roman d’Agnès Desarthe (un genre auquel elle revient ici après s’être adonnée à des nouvelles et des essais) semble recéler bien des promesses.

Fiction romanesque et roman initiatique au féminin forment les deux piliers sur lesquels l’auteur construit une fresque qui est aussi celle de la vie mouvementée d’une femme que nous allons suivre du début du XXème siècle à l’aube de la deuxième guerre mondiale.

Puisant dans ses connaissances de la philosophie, du grand roman classique et de la poésie (à laquelle le titre est emprunté puisqu’il est tiré d’un vers d’Apollinaire), Agnès Desarthe se donne un mal fou pour nous convaincre de suivre l’existence de son héroïne. Quittant un  château au Danemark où elle a mené, enfant, une vie de grande bourgeoise, coincée entre un père officier de carrière  absent, ayant abdiqué toute forme de revendication et de volonté et qui est la risée de tous, une mère egocentrique et croqueuse d’hommes et une nourrice toute-puissante, voici une frêle jeune fille de moins de vingt ans qui débarque dans la capitale crasseuse et insalubre qu’est le Paris du début du XXème siècle.

Sans le sou car en rupture de ban, sans autre connaissance que trois langues et celle des sciences ménagères, elle va devenir la proie des exploiteurs en tous genres tout en connaissant, pour une période donnée, une vie de luxe une fois devenue la maîtresse d’une danseuse de l’Opéra Comique.
On pourra donc voir dans ce roman une sorte d’hommage au genre quelque peu misérabiliste de Zola tant la vie de l’anti-héroïne semble porter en soi de souffrances et de déconvenues. Certes. Mais, il n’y a ici ni le souffle de Zola, ni sa science de la construction.

Si certains passages parviennent à soulever un sourire, si les personnages sont bien troussés (à tous points de vue d’ailleurs…), si les références littéraires sont évidentes, il est extrêmement difficile d’adhérer  à un récit qui nous impose parfois des séquences d’un grotesque consommé et où bien des traits semblent soulignés au gros marqueur. Nous voici revenus avec Cosette en quelque sorte ; du coup, la question est : pourquoi et pour quoi faire quand tout cela a déjà été écrit et en mille fois mieux ?

Bref, on risque de s’ennuyer ferme et, d’ailleurs, ce fut mon cas et c’est avec un immense soupir de soulagement que j’ai refermé ce roman …

Publié aux Editions de l’Olivier – 2015 – 338 pages