Survivre dans un contexte
de guerre lorsque l’on se retrouve sur les chemins de l’exil relève d’un combat
quotidien et d’une force de caractère forgée par les circonstances. Surtout
quand on est une femme seule comme Lora Sander et que l’on a dû quitter son
fils, parti en guerre contre une alliance militaro-religieuse aux forts relents
d’extrémisme musulman et son mari, directeur de théâtre mis au ban pour écrire
des textes hostiles au régime. Surtout quand on fut actrice et l’égérie du
Théâtre National de son pays natal. Lora quitte tout avec comme seul compagnon
le Colt 45 que lui a légué son père et dont elle a appris à se servir. Son
but : franchir le fleuve frontalier et gagner un pays qui fait figure de
havre de paix et de liberté.
Dans un récit très court,
construit à l’aide de chapitres brefs et nerveux fait d’une écriture concentrée
et qui se contente de l’essentiel, Marie Redonnet met en scène le parcours
d’une femme à la manière d’un scenario de cinéma. Les plans sont nets et
tranchants, les aventures et les rencontres nombreuses jusqu’à une conclusion
qui nous permet de comprendre que, jusqu’au bout, l’on reste maître de ses
choix et de sa vie, même dans les circonstances les plus hostiles.
Vivre seule en pays
étranger et qui voit affluer des hordes de réfugiés, c’est assurément prendre
le risque des pires agressions. Lora les subira en même temps qu’elle apprendra
à composer avec. Plus qu’à une fuite, c’est à une reconstruction par étapes que
nous assistons comme si, au gré des hommes qui profitent d’elle ou la protègent
en l’exploitant sous toutes ses formes, Lora quittait peu à peu la femme
qu’elle fut pour apprendre à devenir celle qu’elle est : une femme libre
de ses choix, assumant ses contradictions, ses ambiguïtés, capables de faire
face à toutes les circonstances comme en témoigneront les deux séquences
finales qui font le sel et l’originalité de ce petit livre d’une poésie féroce
mais d’une cruelle actualité.
Publié aux Editions Le
Tripode – 2016 – 112 pages