Depuis des années,
Antoine se tient en retrait du monde dans cet état transitoire, nommé la
renverse, où flots montants et descendants de la marée s’annulent pour laisser
place à une latence fragile. Retiré dans un village côtier quelconque en
Bretagne, il vit une existence effacée, sans gloire, sans éclat, sans relief
partagée entre un job de libraire dans une affaire qui vit chichement et une
petite amie vis-à-vis de laquelle il n’est pas réellement engagé.
Et puis, un jour, ce
fragile équilibre qui n’en a que l’apparence va se trouver remis totalement en
cause avec l’annonce à la télévision du décès dans un accident de la
circulation de Pierre Laborde. Un politicien, un temps très court devenu
Secrétaire d’Etat, maire d’une petite ville de banlieue et qu’Antoine a bien
connu. Et pour cause puisque Laborde fut au cœur d’un scandale politico-sexuel,
accusé d’avoir violé deux collaboratrices de la mairie avec la complicité
active de sa maîtresse qui n’était autre que la mère d’Antoine.
Une disparition qui sonne
comme un coup de tonnerre pour Antoine au point de le pousser à tout lâcher, le
boulot comme la copine, pour se rendre aux obsèques de Laborde sans vraiment
savoir pourquoi. Une urgence, comme nous allons le comprendre, dictée par le
besoin inconscient d'enterrer avec le cadavre d’un homme haï celui d’une époque
et d’une histoire qui auront brisé Antoine le plongeant dans cet état de non
véritable vie. Un moment symbolique pour quitter cette phase de renverse et se
reconstruire.
Derrière Laborde se
cachent tous ces scandales politiques récents : ceux de Georges Tron et de
son fétichisme pour les pieds de ses collaboratrices, ceux de DSK et des femmes
qu’il traite comme des objets sexuels, ceux qui font que la classe politique
est rejetée par une masse grandissante qui se tourne vers les sirènes
maléfiques du FN ou de tout extrêmisme. Mais ce n’est pas là le propos
essentiel d’Olivier Adam.
Car derrière la narration
détaillée du scandale et de la façon dont il fut habilement circonscrit en se
souciant peu des dégâts psychologiques induits auprès des principales
intéressées, c’est surtout celui d’une enfance détruite. Celle d’Antoine et de
son frère cadet, témoins obligés de turpitudes, d’une lâcheté parentale, d’un
père violent et tyrannique manipulé par une épouse perverse et déséquilibrée,
victimes de l’ostracisme d’une petite cité où tout le monde s’épie et n’ayant,
rapidement, d’autres ressources que la fuite psychique et physique pour tenter,
seulement, de survivre à un cataclysme qui les emporte.
Pourtant, on reste un peu
en dehors d’un roman qui peine à trouver son souffle et sa structure. La faute
sans doute à une écriture qui hésite entre la flamboyance quand elle décrit la
Bretagne ou les états d’âme d’Antoine pour sombrer ensuite dans le
dépouillement, voire la vulgarité, quand il est, longuement, très longuement,
question de narrer par le détail un fait divers et ses multiples
rebondissements. Du coup, le roman ne cesse d’osciller entre l’introspectif et
le fait divers et aurait sans doute gagné en impact en resserrant sa trame.
« La renverse » trouvera donc sa place au palmarès de l’auteur entre
le très décevant « Les Lisières » et l’excellent « Peine
perdue ».
Publié aux Editions
Flammarion – 2016 – 268 pages