14.2.17

Marionnettes – Ama Maria Matute



Avant de rédiger mes posts, je passe en général toujours quelques minutes pour compléter ma connaissance d’un auteur (ou la découvrir lorsque l’éditeur n’a pas fait son travail) et regarder, par curiosité, ce que d’autres critiques ou lecteurs ont pensé de l’œuvre.
Ici, la recherche sur Google pointe sur l’indigence. Tout juste ramènera-t-elle de vagues photographies de la jaquette et un nom dans une table d’indices. A part cela, rien !
Pourquoi ? Et, d’ailleurs quoi penser de cet ouvrage ? Rédigé sur une période dix longues années (1944 – 1954) par un auteur née en 1926 et récompensée de multiples prix hispaniques, ce roman m’a laissé un goût bizarre et de largement inachevé. Tout se passe comme si l’idée de base, pourtant intéressante, trouvait la plus grande difficulté à trouver son chemin, à s’extraire avec élégance et naturel de la plume de l’auteur. Bien au contraire, l’écriture y semble chaotique et presque laborieuse, les sauts de temps et de lieu brutaux n’arrangeant rien pour faciliter une lecture un peu pénible.
Ce que cherche à nous montrer l’auteur ici est que le quintette de personnages principaux dont il sera question n’est rien d’autre que les acteurs d’une petite pièce de théâtre moralisatrice, tirés par des enjeux et des projets plus grands que leurs propres destins. Souvent frappés d’atavisme (débilité, alcoolisme, folie hallucinatoire, paranoïa envers les hommes, soumission passive), tous ses personnages sont en marge de la bonne société qui finira par se venger de celles et ceux qui auront été les moins tendres envers les bonnes mœurs.
Lorsque Marco débarque sur le port basque d’Oiquixa, il y trouve un village conventionnel et largement endormi. Un village qui appartient à Kepa, un ex vaurien embarqué à l’adolescence et parti faire fortune dans les mers et les terres lointaines. Kepa vit seul, veuf d’une épouse qui fut la plus belle fille des lieux mais qui mourut tôt et sans jamais l’aimer. De leur union est née une fille, Zazu, une fille sauvage, à la beauté particulière, promise de force à un capitaine parti en mer et à laquelle elle doit se marier sans éprouver pour lui rien d’autre que le mépris. Car Zazu est une fille libre et qui aime à se donner avec violence aux marins en goguette, aux hommes virils dont elle jouit en proférant des mots orduriers terribles.
Marco, qui se fait passer pour le fils d’un Gouverneur riche malgré ses habits élimés et ses propos abscons, prend sous sa protection un jeune homme attardé dont personne ne sait vraiment l’âge, Ilé Eroriak, et qui est le souffre-douleurs local. Ilé est passionné de marionnettes fabriquées et jouées par un vieil homme solitaire.
Marco, qui mène grand train, va abuser de la confiance de tous pour séduire Zazu et la rendre folle de lui et imposer à deux vieilles filles chargées da matroner Zazu et qui se targuent de vouloir le bien des pauvres, à l’exception notoire d’Ilé, de prendre ce dernier sous leur protection, le présentant sous les traits d’un génie ignoré. Il séduira au passage la plus jeune des deux femmes se préoccupant peu des dommages qu’il causera dans les esprits de ses deux conquêtes aussi différentes que possible.
Tout finira mal, la véritable histoire personnelle de Marco finissant par éclater. Les naïfs le paieront cher et la petite bourgeoisie bien pensante finira par reprendre ses droits tout en laissant derrière elle une petite cohorte de personnages détruits, effondrés à force de n’être plus soutenus par les illusoires ficelles qui les faisaient se mouvoir.
Tout ceci fait assez penser aux structures du théâtre baroque remis au goût de ce milieu de XXème siècle. Malheureusement, faute d’allant on s’y ennuie fort.
Publié aux Editions L’Etrangère Gallimard – 1962 – 257 pages