13.3.17

Le dimanche des mères – Graham Swift


Les traditions ont la vie dure dans le verdoyant Royaume-Uni. Ainsi, dans cette période d’entre-deux-guerres (en ce dimanche de Mars 1924 exactement), est-il de coutume pour les familles aristocratiques de donner cette journée en congés à leurs domestiques afin qu’ils puissent rendre visite à leurs mères. Noble attention d’une classe qui vit encore dans le luxe et dépend de toute une armée de petites mains pour mener une existence plus ou moins hors du temps.

Jane, jeune femme employée par l’une de ces familles, ne sait trop comment occuper cette superbe journée ensoleillée et printanière car elle fut abandonnée à sa naissance et n’a donc pas de mère à qui rendre visite. Alors qu’elle s’apprêtait à s’adonner à sa passion, la lecture, elle reçoit un coup de fil de Paul, le fils de bonne famille de la propriété voisine.

Jane et Paul ont le même âge et sont amants depuis des années. Un amour secret, vécu caché dans les étables ou les jardins. Un amour qui va ce jour prendre une tournure à jamais particulière car Paul, après avoir vidé sa demeure de tous ses résidents sous des prétextes divers, demande à sa belle de venir lui rendre visite dans sa chambre. Un interdit impensable vécu comme une combinaison de rêve, de fulgurance sensuelle, de profanation et de revanche magnifiquement évoquée par Graham Swift dans des pages à la fois érotiques et un brin perverses ou profanatrices.

Il ne peut y avoir aucun espoir dans cet amour de jeunesse et des corps. Tout les oppose : leurs classes, leur éducation, les conventions sociales. Et puis, d’ailleurs, Paul doit aussitôt rejoindre cette fiancée imposée par les familles alliant leurs intérêts. Une fille qu’il n’aime pas mais dont il sait bien qu’il n’aura d’autre choix que de respecter ce qu’on lui impose. Sauf que la vie réserve bien des surprises et des drames comme nous l’apprendrons bientôt et que les destins des amants interdits n’auront rien de prévisible.

Avec un sens de l’économie et de la justesse des mots, de façon pudique mais éminemment évocatrice, Graham Swift met en scène un monde qui ne sait pas encore qu’il est en voie de disparition. C’est un ultime ballet social d’une époque révolue auquel nous assistons pour notre plus grand plaisir littéraire.

Publié aux Editions Gallimard – 2017 – 142 pages