Hiver 1953 : la
France qui se remet peu à peu de la Seconde Guerre Mondiale est secouée par
deux évènements qui ravivent tensions et plaies mal refermées. En Indochine,
des jeunes gens laissent leur vie ou reviennent mutilés d’une guerre où les
frères ennemis soviétiques et américains s’affrontent à distance par l’intermédiaire
d’une armée française qui perd du terrain. Pendant ce temps, à Bordeaux, s’ouvre le procès des
dix-sept SS allemands et autres enrôlés de force ou volontaires alsaciens (ceux
que l’on appelait les Niemand, c’est-à-dire Personne) ayant été identifié pour
avoir participé au massacre de six-cent-quarante-deux habitants à
Oradour-sur-Glane, le 10 Juin 1944.
Autant d’évènements qui
divisent en deux clans irréconciliables les habitants d’un petit village
frontalier du Nord de la France. Quand, en outre, incendies criminels et morts
violentes et suspectes se multiplient depuis l’arrivée de la nouvelle
institutrice alsacienne et de son supposé compagnon, un petit escroc vivant
d’expédients, toutes les conditions semblent réunies pour qu’un drame collectif
finisse par se produire.
On sait que Michel Quint
se plaît et excelle à mêler la grande Histoire aux petites histoires humaines.
Surtout si ces dernières sont sordides, malsaines, sales à souhait. Avec un
soin extrême et usant d’une langue qui alterne structure classique charpentée,
patois nordique et expressions populaires colorées, l’auteur se lance dans une
exploration de l’âme humaine. Celle de villageois frontaliers pour lesquels
trafics en tous genres font partie des lieux communs. Celle d’hommes et de
femmes tourmentés par le désir, celui de la chair, celui de la possession et
prêts à tous pour parvenir à leurs fins. Celle d’êtres en déshérence, perdant
peu à peu leurs repères, trompés par des partis politiques dont ils ne
comprennent plus les logiques, brisés par des pertes personnelles dont ils ne
se remettront jamais, honteux des secrets inavouables qu’il leur faut enfouir à
jamais. Car, dans ce roman construit comme un thriller personne n’est
irréprochable. Derrière l’apparence sociale se cachent bien des histoires
glauques.
Michel Quint sait tenir
son lecteur en haleine, maintenant le suspense jusqu’au bout dans un roman qui
nous rappelle qu’il est long et hasardeux de vouloir réduire coûte que coûte
les fractures d’un pays fracassé par la guerre, surtout quand elle a en partie
pris le visage d’une guerre civile. Car les comptes finissent toujours par se
régler…
Publié aux Editions
Presses de la Cité – 2016 – 413 pages