Luke Rhinehart s’était
fait connaître par un roman coup-de-poing, l’homme-dé. Un homme qui jouait
toutes les décisions de sa vie à coups de dés, laissant le hasard décider
jusqu’à sombrer dans la folie la plus complète. Un roman original, d’une assez
grande violence psychologique qui interpelait et qui fit grand bruit.
On retrouve certains de
ces ingrédients dans le dernier gros opus de l’auteur. Imaginez un instant
qu’une étrange boule ressemblant à un ballon de basket recouvert de poils saute
tout à coup en pleine mer sur le toit de votre bateau de pêche. Non content de
ce premier exploit, l’étrange créature fait bientôt preuve d’une agilité et
d’une capacité de métamorphose absolument prodigieuse. Il n’y a plus de
doute : un premier extra-terrestre vient de débarquer sur terre. Un fait
qui sera bientôt étayé par le repérage un peu partout dans le monde d’autres de
ces créatures ne laissant dès lors plus planer le moindre doute.
Pour la NSA et la CIA (le
roman se déroulant essentiellement aux Etats-Unis), c’est une certitude que ces
envahisseurs ont par définition des intentions hostiles d’autant plus qu’elles
ont la capacité à apprendre le langage humain et à pirater les systèmes
informatiques avec une facilité proprement stupéfiante. Pourtant les bestioles
n’ont qu’un seul but qui est aussi leur raison d’être : jouer et s’amuser.
C’est la raison pour laquelle elles passent en réalité leur temps à naviguer de
planète en planète au sein des infinies galaxies pour inventer de nouveaux jeux
leur permettant de se mesurer aux habitants locaux.
Un mode de vie
inenvisageable et inadmissible pour les Conservateurs américains au pouvoir,
leurs agences de renseignement et leurs forces militaires déterminés à
exterminer coûte que coûte ce qu’ils ne tardent pas à qualifier d’atteinte aux
intérêts supérieurs américains. On n’hésitera plus dès lors à faire voter des lois
de plus en plus absurdes pour justifier de l’arrestation et de l’élimination
des petites boules de poils qui font la joie des petits et des grands.
Sur cette base, Luke
Rhinehart concocte un roman où l’on rit à la fois beaucoup et où l’auteur
exprime sans guère prendre de gant tout le mal qu’il pense du mode de vie de
son pays, de son attitude hégémonique, de la façon dont les foules sont
manipulées, du pouvoir néfaste des média, de la catastrophe écologique,
économique et sociale vers laquelle nous courons tout droit du fait de
l’incroyable stupidité et cupidité du pouvoir politique américain actuel.
Derrière la grosse farce
en première lecture se glisse en permanence une forme d’appel à se réveiller et
à se révolter contre un système qui ne peut que conduire au suicide collectif.
C’est un pamphlet au vitriol que nous livre en réalité Luke Rhinehart.
Publié aux Editions Aux
forges de Vulcain – 2018 – 530 pages