Milo, réalisateur de films, est en train d’agoniser dans son
lit d’hôpital. Son compagnon dans la vie comme dans les films, Paul Schwartz,
est à ses côtés convoquant les souvenirs d’une longue vie pleine de péripéties.
Des souvenirs qui se bousculent, en vrac, dans le désordre du temps, des époques
et des géographies comme autant de scènes de vie destinées à constituer la
trame, le storyboard d’un nouveau film que nous voyons se construire sous nos
yeux.
Des souvenirs, il y en a et de nombreux tant la vie de Milo
fut mouvementée. Des souvenirs qui remontent, par les liens de parenté, jusqu’à
la Première Guerre Mondiale, la révolte irlandaise, la guerre civile là-bas et
l’émigration qui poussera des millions d’Irlandais ailleurs. Pour Milo et son
grand-père ce sera le Québec et l’apprentissage forcé d’une autre langue que
l’Anglais.
D’où, sans doute, la dualité linguistique permanente dans le
roman qui se partage d’une part entre un français moderne neutre servant
simplement de lien entre des tranches de vie relatées dans l’anglais
approximatif et grossier parlé par les colons et les Indiens canadiens dont la
petite prostituée que se partagent bien des hommes et, d’autre part, le québécois chatoyant servant de sabir aux
populations assez frustres de ce milieu de vingtième siècle où se déroule toute
une partie du récit.
Les allergiques à la langue anglaise risquent d’être vite
lassés (malgré les traductions en bas de page) tant les passages anglophones
sont nombreux. Les autres risquent d’être déroutés par un récit déconstruit,
collant en permanence aux séquences de souvenirs telles qu’elles jaillissent de
la tête d’un homme mourant. Très vite, j’avoue avoir été perdu entre les
personnages, les époques et les lieux. En même temps que mes repères
s’estompaient disparaissait un intérêt pour un livre qui semblait prendre un
malin plaisir à laisser en marge le plus grand nombre possible de ses lecteurs.
Au final, j’avoue avoir abandonné à mi-parcours ce qui, me concernant, est rare
mais révélateur…
Publié aux Éditions Actes Sud – 2013 – 348 pages