Auréolé du Prix Littéraire du Monde 2015 et bien
considéré par la critique, le dernier roman d’Agnès Desarthe (un genre auquel
elle revient ici après s’être adonnée à des nouvelles et des essais) semble
recéler bien des promesses.
Fiction romanesque et roman initiatique au féminin
forment les deux piliers sur lesquels l’auteur construit une fresque qui est
aussi celle de la vie mouvementée d’une femme que nous allons suivre du début
du XXème siècle à l’aube de la deuxième guerre mondiale.
Puisant dans ses connaissances de la philosophie, du
grand roman classique et de la poésie (à laquelle le titre est emprunté puisqu’il
est tiré d’un vers d’Apollinaire), Agnès Desarthe se donne un mal fou pour nous
convaincre de suivre l’existence de son héroïne. Quittant un château au Danemark où elle a mené, enfant,
une vie de grande bourgeoise, coincée entre un père officier de carrière absent, ayant abdiqué toute forme de
revendication et de volonté et qui est la risée de tous, une mère egocentrique
et croqueuse d’hommes et une nourrice toute-puissante, voici une frêle jeune
fille de moins de vingt ans qui débarque dans la capitale crasseuse et
insalubre qu’est le Paris du début du XXème siècle.
Sans le sou car en rupture de ban, sans autre
connaissance que trois langues et celle des sciences ménagères, elle va devenir
la proie des exploiteurs en tous genres tout en connaissant, pour une période
donnée, une vie de luxe une fois devenue la maîtresse d’une danseuse de l’Opéra
Comique.
On pourra donc voir dans ce roman une sorte d’hommage au
genre quelque peu misérabiliste de Zola tant la vie de l’anti-héroïne semble
porter en soi de souffrances et de déconvenues. Certes. Mais, il n’y a ici ni
le souffle de Zola, ni sa science de la construction.
Si certains passages parviennent à soulever un sourire,
si les personnages sont bien troussés (à tous points de vue d’ailleurs…), si
les références littéraires sont évidentes, il est extrêmement difficile
d’adhérer à un récit qui nous impose
parfois des séquences d’un grotesque consommé et où bien des traits semblent
soulignés au gros marqueur. Nous voici revenus avec Cosette en quelque sorte ;
du coup, la question est : pourquoi et pour quoi faire quand tout cela a
déjà été écrit et en mille fois mieux ?
Bref, on risque de s’ennuyer ferme et, d’ailleurs, ce fut
mon cas et c’est avec un immense soupir de soulagement que j’ai refermé ce roman
…
Publié aux Editions de l’Olivier – 2015 – 338 pages