La multiplication
des ouvrages scientifiques ou fictionnels sur les arbres laisse penser – et espérer
– qu’apparaît un début de prise de conscience collective sur l’urgence à
approfondir notre connaissance de l’univers fascinant de nos forêts, du mode de
vie éminemment élaboré mis au point par les arbres au cours de dizaines de
milliers d’années et du rôle essentiel qu’ils jouent pour assurer notre survie.
Une urgence qui se fait pressante alors que notre planète est en surchauffe à
tous points de vue et menace de rendre la vie impossible à ces cupides humains
qui prétendent s’arroger tous les droits au mépris des principes fondamentaux
garantissant le fragile équilibre qui a jusqu’ici rendu la beauté du monde que
nous connaissons encore possible.
On l’aura donc
compris, le dernier roman de Richard Powers est délibérément militant. C’est un
appel, un cri presque à nous sortir de la spirale infernale qui ne peut mener
qu’à notre propre destruction rapide désormais et à celle de l’essentiel des
formes de vie qui nous entourent.
Organisé en
quatre parties aux titres évocateurs (racines, tronc, cime et graines), le
roman nous plonge au cœur de l’existence de neuf personnages principaux. Chacun
mène une vie indépendante des autres dont il ignore jusqu’à l’existence.
Mais tous et toutes, à sa façon, vont recevoir un
cri d’appel désespéré des arbres pour que l’humanité cesse de s’accaparer les terres
boisées et de détruire massivement la formidable diversité forestière pour la
transformer tantôt en nouvelles surfaces cultivables vite épuisées, tantôt en
lotissements aussi laids que prétentieux, tantôt en zone de replantation d’une
seule et même espèce destinée à être coupée au plus vite.
Tous choisiront,
de façon plus ou moins directe, plus ou moins violente aussi, de répondre à cet
appel. Certains en rejoignant des groupes d’activistes offrant au sens propre
leurs corps comme ultimes remparts aux tronçonneuses et machines géantes
destinées à venir à bout des arbres les plus immenses et résistants que la
terre ait jamais porté. D’autres étudieront scientifiquement ce monde encore
mal connu encourant les foudres de leurs pairs lorsqu’ils oseront laisser
penser et prouver que les arbres ont mis au point d’infinis systèmes de
communication d’une sophistication jusqu’ici inimaginable. D’autres encore
imagineront sauver le monde en inventant un univers parallèle, purement numérique,
destiné d’abord à fuir le monde réel de plus en plus insupportable avant que de
devenir un moyen d’éducation et de prise de conscience de la résistance à
opposer à un système économique et politique qui ne peut mener qu’au suicide
collectif.
Au moment où l’épouvantable
Trump accuse, une fois de plus sans la moindre démonstration et en dépit de la
réalité objective, le défaut d’entretien des forêts californiennes pour
justifier les terribles incendies qui ravagent la Californie pour, sans doute
les cendres à peine refroidies, confier la gestion forestière aux mains avides
d’entreprises n’ayant comme seul objectif que de faire de l’argent sans se
soucier des conséquences écologiques et humaines, ce roman-cri trouve une
résonnance encore plus particulière. On pourra certes parfois regretter
certaines longueurs mais il n’en reste pas moins que la lecture de ce livre ne
peut que nous encourager à réviser urgemment nos façons d’être au monde.
Publié aux
Editions du Cherche Midi – 2018 – 533 pages