Un triptyque pour trois femmes, trois générations : Julienne, la grand-mère, Marcelle, la fille, Pascale, la petite-fille.
Trois vies de femmes en souffrance, trois vies ratées, trois vies marquées par la maladie et la quête d’un amour toujours absent ou toujours mal choisi.
Il n’y a guère de joie et d’optimisme dans ce livre qui nous entraîne dans trois cris liés les uns aux autres. Ce lien existe d’abord parce que ces femmes n’ont pas su s’aimer entre elles, du moins, pas spontanément. C’est systématiquement trop tard qu’elles s’en apercevront, ratant ainsi un rendez-vous incertain avec une partie d’elles-mêmes.
Des vies marquées par l’abandon aussi : celui de Pascale par Marcelle, dans la plus tendre enfance, puis celui des hommes. Les maris vivent peu longtemps et leur disparition tragique et prématurée se traduit par des souffrances renouvelées pour ces trois femmes perdues. Et quand elles trouvent un nouvel homme, soit elles s’illusionnent et courent s’abrutir dans des aventures sans amour, donc condamnées d'avance, soit elles sont abandonnées ou abandonnent. Incapables de construire et de durer.
Car au fond, ce dont elles souffrent toutes, profondément, c’est de ne pas s’aimer elles-mêmes car elles n’ont pas été aimées de leurs parents, particulièrement de leur mère.
Enfanter fut pour toutes une punition et Pascale mettra à profit la contraception moderne combinée à une vie sexuelle compliquée et sporadique pour n’avoir pas à enfanter. Elle boucle la boucle, ferme la vie définitivement sur son passage une fois Julienne et Marcelle mortes.
La folie est toujours sur le point d’exploser dans la tête de ces femmes désaimées. D’ailleurs Marcelle sera victime d’un Alzeimer précoce et la folie finira par avoir raison d’elle. Pascale la côtoie, incapable de pondération : elle ne sait vivre que dans l’extrême, alternant extase insupportable aux autres et dépression sacrificielle.
Il ne fait pas bon être un personnage de ce roman. Vous êtes condamné d’avance à une vie sans lumière, sans joie durable et que le malheur aura tôt fait d’annuler.
L’écriture douce, feutrée renforce curieusement ce sentiment d’oppression qui bientôt s’empare de vous. Toutefois, par une maîtrise remarquable et une retenue constante, Armande Gobry-Valle sait nous tenir en haleine et nous amener à poursuivre la découverte de ces trois vies gaspillées.
Publié aux Editions Viviane Hamy – 150 pages
Blog d'humeur littéraire - Livres, lectures, romans, essais, critiques. La lecture comme source de plaisir, d'inspiration et de réflexion.
Qui êtes-vous ?
- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
30.5.08
23.5.08
Les vivants – Pascale Kramer
Nous sommes en plein été, dans l’arrière-pays niçois. Il fait si chaud que le temps semble se figer sur place. Une jeune mère, accompagnée de son frère de dix-sept ans, trimbale gentiment ses deux enfants pour meubler une inoccupation que rien dans ce village paumé et éloigné de tout ne vient distraire.
Soudain, c’est l’accident tragique. La vie bascule en quelques petites secondes : la mort en direct, bêtement, sans rien pouvoir faire. A distance, on comprend immédiatement que les deux enfants viennent de mourir, prisonniers d’une jeu excitant et stupide qui tourne mal.
Comment continuer à vivre quand la chair de sa chair n’est plus ? Comment accepter et gérer sa responsabilité indubitable dans cet accident à dix-sept ans ? Pourquoi et comment vivre en plein été, jeunes, prisonniers de ses pulsions ?
Pascale Kramer dresse le portait d’un quatuor saisi en pleine force. Nous assistons à une métamorphose en direct, assez saisissante. Celle laissée par la disparition soudaine de ceux qui symbolisaient la vie et qui laisse quatre vivants abasourdis, hébétés.
Nous accompagnons avec pudeur et intelligence la jeune mère qui s’enfonce dans une dépression que quelques rares moments d’insouciance viennent zébrer avant de l’abandonner à encore plus de désespoir et son mari. Ce dernier tente vainement de calmer sa douleur en se réfugiant dans des adultères violents où le sexe crû n’est là que pour combler la perte définitive de l’amour. La perte des enfants va rapidement l’engager sur la voie de ruptures en chaîne, d’une recherche quasi adolescente de son moi.
Quant au jeune frère, il doit sans cesse naviguer entre les humeurs des deux protagonistes précédents. C’est en regagnant l’intimité de sa sœur, en contribuant à la sortir parfois de sa torpeur, tout en frisant fréquemment des comportements et des sentiments quasi incestueux, qu’il parviendra lui aussi à se reconstruire. C’est avec son beau-frère qu’il découvrira que la jouissance aveugle peut calmer une sourde douleur, inexprimable car il faut taire l’irréparable.
Enfin, il y a la mère, quadragénaire que l’âge a cessé de gâter, divorcée et qui tente de recoller les morceaux, maladroitement, de donner la force aux autres de vivre. Pour elle aussi, la relation qu’elle entretient avec un homme dont nous ne saurons rien, est une question vitale. C’est dans l’amour physique qu’elle se réfugie pour compenser l’amour tout court, absent.
Soudain, l’argent fait irruption. On ignore d’où il vient. De cet homme peut-être ? Seul compte le fait qu’il aide à fuir les problèmes, en consommant pour s’abrutir, jusqu’au moment où le deuil a fait son chemin et pousse à s’installer ailleurs, pour revivre. Pour redevenir des vivants que ces quatre là ne sont plus que par sursis.
L’auteur a choisi un sujet difficile et douloureux et sait nous faire cheminer au cœur des âmes meurtries de ses personnages. L’écriture est belle, maîtrisée et parsemée de figures descriptives empreintes d’un réel talent.
Pourtant, on reste sans arrêt à la surface des choses du fait d’un zapping incessant entre les personnages sans doute. Du fait aussi d’une écriture qui manque parfois d’aération et n’invite pas suffisamment à un temps de respiration. C’est haletant mais le lecteur reste sur la réserve et une certaine défensive. Jamais, je ne suis véritablement entré dans cette histoire à laquelle j’ai assisté, de l’extérieur.
Dommage. C’est un assez beau roman qui aurait pu être très beau avec un zeste de folie en plus.
Publié aux Editions Calmann-Lévy – 202 pages
Soudain, c’est l’accident tragique. La vie bascule en quelques petites secondes : la mort en direct, bêtement, sans rien pouvoir faire. A distance, on comprend immédiatement que les deux enfants viennent de mourir, prisonniers d’une jeu excitant et stupide qui tourne mal.
Comment continuer à vivre quand la chair de sa chair n’est plus ? Comment accepter et gérer sa responsabilité indubitable dans cet accident à dix-sept ans ? Pourquoi et comment vivre en plein été, jeunes, prisonniers de ses pulsions ?
Pascale Kramer dresse le portait d’un quatuor saisi en pleine force. Nous assistons à une métamorphose en direct, assez saisissante. Celle laissée par la disparition soudaine de ceux qui symbolisaient la vie et qui laisse quatre vivants abasourdis, hébétés.
Nous accompagnons avec pudeur et intelligence la jeune mère qui s’enfonce dans une dépression que quelques rares moments d’insouciance viennent zébrer avant de l’abandonner à encore plus de désespoir et son mari. Ce dernier tente vainement de calmer sa douleur en se réfugiant dans des adultères violents où le sexe crû n’est là que pour combler la perte définitive de l’amour. La perte des enfants va rapidement l’engager sur la voie de ruptures en chaîne, d’une recherche quasi adolescente de son moi.
Quant au jeune frère, il doit sans cesse naviguer entre les humeurs des deux protagonistes précédents. C’est en regagnant l’intimité de sa sœur, en contribuant à la sortir parfois de sa torpeur, tout en frisant fréquemment des comportements et des sentiments quasi incestueux, qu’il parviendra lui aussi à se reconstruire. C’est avec son beau-frère qu’il découvrira que la jouissance aveugle peut calmer une sourde douleur, inexprimable car il faut taire l’irréparable.
Enfin, il y a la mère, quadragénaire que l’âge a cessé de gâter, divorcée et qui tente de recoller les morceaux, maladroitement, de donner la force aux autres de vivre. Pour elle aussi, la relation qu’elle entretient avec un homme dont nous ne saurons rien, est une question vitale. C’est dans l’amour physique qu’elle se réfugie pour compenser l’amour tout court, absent.
Soudain, l’argent fait irruption. On ignore d’où il vient. De cet homme peut-être ? Seul compte le fait qu’il aide à fuir les problèmes, en consommant pour s’abrutir, jusqu’au moment où le deuil a fait son chemin et pousse à s’installer ailleurs, pour revivre. Pour redevenir des vivants que ces quatre là ne sont plus que par sursis.
L’auteur a choisi un sujet difficile et douloureux et sait nous faire cheminer au cœur des âmes meurtries de ses personnages. L’écriture est belle, maîtrisée et parsemée de figures descriptives empreintes d’un réel talent.
Pourtant, on reste sans arrêt à la surface des choses du fait d’un zapping incessant entre les personnages sans doute. Du fait aussi d’une écriture qui manque parfois d’aération et n’invite pas suffisamment à un temps de respiration. C’est haletant mais le lecteur reste sur la réserve et une certaine défensive. Jamais, je ne suis véritablement entré dans cette histoire à laquelle j’ai assisté, de l’extérieur.
Dommage. C’est un assez beau roman qui aurait pu être très beau avec un zeste de folie en plus.
Publié aux Editions Calmann-Lévy – 202 pages
16.5.08
Le Maître des âmes – Irène Némirovsky
Irène Némirovsky fut une des figures littéraires des années trente. Elle disparut tragiquement, comme des millions d’autres, dans l’un des plus terribles camps de la mort à Auschwitz.
On la redécouvrit à la suite d’un roman inédit, publié en 2004, « Suite française », qui fut un succès littéraire posthume.
Le Maître des âmes fut tout d’abord publié sous la forme d’épisodes dans la revue Gringoire. La qualité littéraire n’en est pas exceptionnelle mais l’écriture fluide nous conduit avec facilité au cœur de la France des années vingt et trente, juste avant la guerre. Facilité ne veut cependant pas dire, simplicité de l’intrigue et de la psychologie. Au contraire !
Il est assez fascinant de voir à travers ce roman l’antisémitisme plus ou moins latent qui pouvait régner parmi les élites à cette époque.
Dario Asfar est un sémite, croisement de grec, de russe et d’italien. Condamné à devenir un misérable horloger, il choisit d’émigrer en France après avoir réussi ses études de médecin en tirant le diable par la queue.
Crevant de faim, chargé d’une épouse valétudinaire et d’un jeune fils, il vit d’expédients et d’emprunts ainsi que d’une minuscule clientèle à Nice peu prompte à payer les factures d’honoraires.
Ambitieux, rusé, travailleur, ayant une volonté farouche de réussir, fasciné par l’argent dont il manque constamment, il va jouer son va-tout en s’installant à Paris. Grâce à une intrigante qui est la maîtresse d’un riche industriel qu’il a sauvé et qu’il continue de soigner, il va rapidement devenir la coqueluche de la haute société en exploitant un filon tout neuf, méconnu et en construction : la psychanalyse.
Plus poussé par l’appât du gain destiné à supporter un train de vie princier que par le souci de ses patients, il deviendra le Maître des Ames de ses patients, se rendra indispensable jusqu’à la manipulation ou l’extorsion.
L’auteur nous décrit une société sans complaisance où la superficialité des rapports ne saurait masquer la férocité des sentiments, les trahisons et les coups-bas.
Dario Asfar, en ayant gagné l’âme de ses patients, finira par perdre la sienne même si la dernière phrase est terrible et montre combien il n’a rien compris à ceux, très proches, qui ne partagent pas son point de vue.
Un livre qui se lit très vite et qui permet de découvrir un auteur un peu injustement oublié ainsi qu’une facette de la lutte des classes dans cette France très contrastée de l’avant-guerre.
Publié aux Editions Denoël – 284 pages
On la redécouvrit à la suite d’un roman inédit, publié en 2004, « Suite française », qui fut un succès littéraire posthume.
Le Maître des âmes fut tout d’abord publié sous la forme d’épisodes dans la revue Gringoire. La qualité littéraire n’en est pas exceptionnelle mais l’écriture fluide nous conduit avec facilité au cœur de la France des années vingt et trente, juste avant la guerre. Facilité ne veut cependant pas dire, simplicité de l’intrigue et de la psychologie. Au contraire !
Il est assez fascinant de voir à travers ce roman l’antisémitisme plus ou moins latent qui pouvait régner parmi les élites à cette époque.
Dario Asfar est un sémite, croisement de grec, de russe et d’italien. Condamné à devenir un misérable horloger, il choisit d’émigrer en France après avoir réussi ses études de médecin en tirant le diable par la queue.
Crevant de faim, chargé d’une épouse valétudinaire et d’un jeune fils, il vit d’expédients et d’emprunts ainsi que d’une minuscule clientèle à Nice peu prompte à payer les factures d’honoraires.
Ambitieux, rusé, travailleur, ayant une volonté farouche de réussir, fasciné par l’argent dont il manque constamment, il va jouer son va-tout en s’installant à Paris. Grâce à une intrigante qui est la maîtresse d’un riche industriel qu’il a sauvé et qu’il continue de soigner, il va rapidement devenir la coqueluche de la haute société en exploitant un filon tout neuf, méconnu et en construction : la psychanalyse.
Plus poussé par l’appât du gain destiné à supporter un train de vie princier que par le souci de ses patients, il deviendra le Maître des Ames de ses patients, se rendra indispensable jusqu’à la manipulation ou l’extorsion.
L’auteur nous décrit une société sans complaisance où la superficialité des rapports ne saurait masquer la férocité des sentiments, les trahisons et les coups-bas.
Dario Asfar, en ayant gagné l’âme de ses patients, finira par perdre la sienne même si la dernière phrase est terrible et montre combien il n’a rien compris à ceux, très proches, qui ne partagent pas son point de vue.
Un livre qui se lit très vite et qui permet de découvrir un auteur un peu injustement oublié ainsi qu’une facette de la lutte des classes dans cette France très contrastée de l’avant-guerre.
Publié aux Editions Denoël – 284 pages
12.5.08
Le musée du silence – Yôko Ogawa
Une fois encore, cette grande romancière japonaise contemporaine qu’est Yôko Ogawa nous plonge dans un environnement reclus et envoûtant. Moins violent et plus onirique qu’Hôtel Iris, Ogawa nous entraîne dans un univers où la normalité tient, au départ, de la bizarrerie.
Un jeune homme répond à une annonce et se rend dans une campagne reculée du Japon pour mettre au point un musée privé. Une vieille femme, acariâtre et autoritaire, a amassé depuis des dizaines d’années des objets formant un immense bric-à-brac.
Ces objets ont comme point commun d’avoir appartenu à des villageois maintenant décédés et d’avoir été volés, au lendemain du décès. Ils sont tous censés représenter fondamentalement leur propriétaire, donner en un coup d’œil à comprendre leur personnalité profonde.
Entassés dans une remise glauque et humide, le muséologue professionnel va entreprendre de les classer, de les répertorier, de les purifier afin de leur donner une durabilité. Il est en cela aidé de la fille adoptive de la géronte et de cette dernière qui raconte l’histoire de chacun des objets au fur et à mesure qu’il sort de la remise.
Mais le calme de la bourgade sera bientôt perturbé par une série de meurtres sur des femmes dont l’assassin découpe méthodiquement les mamelons.
Quel rapport entre le musée et cette série de meurtres ? C’est la question prétexte qui sert de trame à ce roman intriguant et à l’atmosphère renfermée.
Ce roman est une superbe variation sur le thème du sens de nos existences, de la trace que nos vies auront laissé, de l’influence du vivant par nos souvenirs, nos fantasmes, nos phobies. En quoi le rapport au symbole peut être plus prégnant que la relation aux autres et que notre vision de l’autre est influencée par ces mêmes symboles.
Un roman ô combien attachant, cursif et qui nous offre une montée en tension dramatique progressive. Un roman à lire d’une traite pour se laisser envahir par la poésie trouble qui s’en dégage.
Publié aux Editions Actes Sud – 318 pages
Un jeune homme répond à une annonce et se rend dans une campagne reculée du Japon pour mettre au point un musée privé. Une vieille femme, acariâtre et autoritaire, a amassé depuis des dizaines d’années des objets formant un immense bric-à-brac.
Ces objets ont comme point commun d’avoir appartenu à des villageois maintenant décédés et d’avoir été volés, au lendemain du décès. Ils sont tous censés représenter fondamentalement leur propriétaire, donner en un coup d’œil à comprendre leur personnalité profonde.
Entassés dans une remise glauque et humide, le muséologue professionnel va entreprendre de les classer, de les répertorier, de les purifier afin de leur donner une durabilité. Il est en cela aidé de la fille adoptive de la géronte et de cette dernière qui raconte l’histoire de chacun des objets au fur et à mesure qu’il sort de la remise.
Mais le calme de la bourgade sera bientôt perturbé par une série de meurtres sur des femmes dont l’assassin découpe méthodiquement les mamelons.
Quel rapport entre le musée et cette série de meurtres ? C’est la question prétexte qui sert de trame à ce roman intriguant et à l’atmosphère renfermée.
Ce roman est une superbe variation sur le thème du sens de nos existences, de la trace que nos vies auront laissé, de l’influence du vivant par nos souvenirs, nos fantasmes, nos phobies. En quoi le rapport au symbole peut être plus prégnant que la relation aux autres et que notre vision de l’autre est influencée par ces mêmes symboles.
Un roman ô combien attachant, cursif et qui nous offre une montée en tension dramatique progressive. Un roman à lire d’une traite pour se laisser envahir par la poésie trouble qui s’en dégage.
Publié aux Editions Actes Sud – 318 pages
2.5.08
L’arbre du voyageur – Hitonari Tsuji
L’arbre du voyageur, c’est cette plante qui, une fois le tronc incisé, étanche la soif du voyageur perdu dans un désert aride.
La soif symboliquement représentée ici est celle de Yûji, un jeune homme de moins de trente ans, au caractère insaisissable, passionné par la métempsycose et de façon générale par les sciences occultes.
Le voyageur, c’est aussi Yûji, qui se livre à d’obscures quêtes comprises de lui seul et qui projette l’ascension d’une montagne dans une lointaine province japonaise, qu’il doit réaliser avec un de ses amis pour y cueillir de la marijuana sauvage et pure.
L’arbre du voyageur, c’est également la plante affectionnée par l’un des collègues de travail de Yûji, employé comme Yûji le fut, dans une improbable boutique de jardinerie. Collègue qui va constituer l’un des petits maillons pour retrouver la trace de Yûji, disparu subitement sans laisser d’adresse.
Mais il y a un autre voyageur en la personne du frère de Yûji, de huit ans son cadet. Il a pour son aîné une grande admiration entretenue par le mystère de sa personnalité, par les fugues de Yûji, adolescent, par son allure et sa haute stature, jusqu’à sa complète disparition, un jour, sans laisser de trace, sans prévenir.
A la mort de ses deux parents, à huit jours d’intervalle, la cadet va se mettre en route pour quérir Yûji à Tokyo afin de régler les questions de succession. Il va tomber sur un appartement vide et une photo d’une jeune fille sera le seul indice pour commencer une quête initiatique. Yûji, c’est l’homme insaisissable au sens propre et figuré.
Le cadet qui n’a jamais quitté sa province va soudainement plonger, au gré des rencontres des hommes et des femmes que son frère a fréquentés ou aimées, au cœur d’une ville branchée et vibrante.
Plus le temps passera, plus il s’identifiera à Yûji, jusqu’à faire d’une de ses conquêtes sa propre maîtresse.
Retrouver Yûji se révèlera complexe et Tsuji sait admirablement nous tenir en haleine au cours de cette quête aux multiples ramifications, physique, mystique et intimiste.
Comme dans « La lumière du détroit » bloggée dans Cetalir et que nous avions adoré, Hitonari Tsuji joue en permanence entre intrigue quasi policière et psychologie. Moins tourmentés que dans « La lumière du détroit », les sentiments se déroulent de façon feutrée, très intimes et les changements qui s’opèrent chez les différents acteurs se font par toutes petites touches successives et admirablement rendues. Une peinture toute en détails, soignée, précise.
Pourtant, le personnage indirectement principal, dans ces deux romans est un être complexe, ambivalent, à la recherche d’une impossible rédemption symbolique. Yûji est en marge de la société, violent, mystérieux et insaisissable comme Hanai dans « la lumière du détroit ». Il a besoin d’un révélateur, son frère, comme Hanai avait besoin de Saîto pour exister et révéler au monde sa véritable personnalité.
Nous sommes à nouveau envoûtés par cette atmosphère si particulière que Tsuji parvient à créer immédiatement, au bout de quelques lignes. L’auteur possède un incroyable talent de portraitiste tourmenté et qui fait éclore ses personnages dans des situations inhabituelles et complexes.
Il sait merveilleusement nous conduire à sa guise au long de quêtes parallèles où le chasseur subit sans arrêt l’influence de sa proie, jusqu’à devenir, en partie du moins, un double de celle-ci.
Nous sortons interpellés de ce roman où la part de mystère reste conservée une fois la dernière page tournée.
Admirable, une fois encore.
Publié aux Editions Mercure de France – 149 pages
La soif symboliquement représentée ici est celle de Yûji, un jeune homme de moins de trente ans, au caractère insaisissable, passionné par la métempsycose et de façon générale par les sciences occultes.
Le voyageur, c’est aussi Yûji, qui se livre à d’obscures quêtes comprises de lui seul et qui projette l’ascension d’une montagne dans une lointaine province japonaise, qu’il doit réaliser avec un de ses amis pour y cueillir de la marijuana sauvage et pure.
L’arbre du voyageur, c’est également la plante affectionnée par l’un des collègues de travail de Yûji, employé comme Yûji le fut, dans une improbable boutique de jardinerie. Collègue qui va constituer l’un des petits maillons pour retrouver la trace de Yûji, disparu subitement sans laisser d’adresse.
Mais il y a un autre voyageur en la personne du frère de Yûji, de huit ans son cadet. Il a pour son aîné une grande admiration entretenue par le mystère de sa personnalité, par les fugues de Yûji, adolescent, par son allure et sa haute stature, jusqu’à sa complète disparition, un jour, sans laisser de trace, sans prévenir.
A la mort de ses deux parents, à huit jours d’intervalle, la cadet va se mettre en route pour quérir Yûji à Tokyo afin de régler les questions de succession. Il va tomber sur un appartement vide et une photo d’une jeune fille sera le seul indice pour commencer une quête initiatique. Yûji, c’est l’homme insaisissable au sens propre et figuré.
Le cadet qui n’a jamais quitté sa province va soudainement plonger, au gré des rencontres des hommes et des femmes que son frère a fréquentés ou aimées, au cœur d’une ville branchée et vibrante.
Plus le temps passera, plus il s’identifiera à Yûji, jusqu’à faire d’une de ses conquêtes sa propre maîtresse.
Retrouver Yûji se révèlera complexe et Tsuji sait admirablement nous tenir en haleine au cours de cette quête aux multiples ramifications, physique, mystique et intimiste.
Comme dans « La lumière du détroit » bloggée dans Cetalir et que nous avions adoré, Hitonari Tsuji joue en permanence entre intrigue quasi policière et psychologie. Moins tourmentés que dans « La lumière du détroit », les sentiments se déroulent de façon feutrée, très intimes et les changements qui s’opèrent chez les différents acteurs se font par toutes petites touches successives et admirablement rendues. Une peinture toute en détails, soignée, précise.
Pourtant, le personnage indirectement principal, dans ces deux romans est un être complexe, ambivalent, à la recherche d’une impossible rédemption symbolique. Yûji est en marge de la société, violent, mystérieux et insaisissable comme Hanai dans « la lumière du détroit ». Il a besoin d’un révélateur, son frère, comme Hanai avait besoin de Saîto pour exister et révéler au monde sa véritable personnalité.
Nous sommes à nouveau envoûtés par cette atmosphère si particulière que Tsuji parvient à créer immédiatement, au bout de quelques lignes. L’auteur possède un incroyable talent de portraitiste tourmenté et qui fait éclore ses personnages dans des situations inhabituelles et complexes.
Il sait merveilleusement nous conduire à sa guise au long de quêtes parallèles où le chasseur subit sans arrêt l’influence de sa proie, jusqu’à devenir, en partie du moins, un double de celle-ci.
Nous sortons interpellés de ce roman où la part de mystère reste conservée une fois la dernière page tournée.
Admirable, une fois encore.
Publié aux Editions Mercure de France – 149 pages
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