Retrouver Jean Diwo est un bonheur dont on ne se lasse pas. L’auteur qui s’est fait une spécialité des romans historiques nous conte ici, avec brio, imagination et recours à une somme de données historiques, l’avènement de la Renaissance qui bouleversa les arts dans tous les domaines et ouvrit la voie vers les évolutions plus tardives.
Nous pénétrons dans le roman avec un peintre méconnu, Alessandro de Messine, alors qu’il n’était encore qu’un jeune apprenti au service d’un maître italien spécialiste des fresques à la détrempe. Alessandro est fasciné par les toiles du maître flamand Van Eyck quia mis au point dans le plus grand secret un nouveau vernis qui donne à ses toiles un éclat, une lumière jusqu’ici inconnus. Il va, par un concours de circonstances, partir à dos de mule, traverser l’Europe, rencontrer Van Eyck, entrer à son service et ramener en Italie, en cette fin de XVeme siècle le secret de fabrique du maître.
Cette nouvelle technique va faire sa gloire et précipiter l’Italie vers la Renaissance. Car à cette même époque, trois génies absolus vont, tour à tour, chacun à leur manière, révolutionner les arts.
Tout d’abord Leonardo da Vinci, bâtard d’un petit notaire, entré à l’atelier d’un des grands maîtres italiens classiques (c’est-à-dire n’ayant pas encore adopté la technique flamande) où il fascine par le naturel et l’élégance de se dessins. Vinci est beau comme un Dieu, tout entier tourné vers un monde intérieur. Sa pensée universelle qui touche à la peinture (ce pour quoi il est le plus connu et qui fascina les Grands de son époque), à la sculpture (il tenta de réaliser la plus grande statue de bronze jamais conçue dont le moule fut détruit par les soudards à la solde des Français qui s’emparèrent de Milan, à la chimie. Mais sa vraie passion fut celle d’un ingénieur versé dans les arts militaires, l’hydrologie, la mécanique des fluides, la philosophie, la nature… Sa vie est un roman, celle du plus grand génie de son temps que se disputent les Cours d’Europe rivales.
Michelangelo fut son contemporain, plus jeune de quelques années. Ils furent longtemps rivaux malgré le respect qu’ils se portaient mutuellement. Michelangelo étonna le plus grand sculpteur de son temps lorsqu’à dix sept ans, sans formation autre que celle d’avoir aidé son père à tailler des blocs de marbre dans les carrières d’Italie, il réalisa un satyre stupéfiant de vie et de réalisme, à l’image des plus belles réalisations antiques. Immédiatement repéré, il connut une gloire immédiate et grandissante au service des plus grands et des seize papes qui se succédèrent de son vivant. Son caractère ombrageux et dépressif lui causa bien des soucis et seul son génie le sauva plus d’une fois d’une totale absence de diplomatie. Comme Da Vinci, il fut avant tout sculpteur, mais aussi, bien sûr, peintre, lui qui réalisa sur de longues années, dans des conditions de travail épuisantes, l’éblouissante chapelle Sixtine qui laissa sans voix le pape, les cardinaux et toute l’Europe de ce seizième siècle. Mais, on le sait moins, il fut aussi architecte, celui à qui l’on doit l’aboutissement d’un chantier pharaonique initié malhabilement par Brabante, sauvé du désastre par Michelangelo : la basilique Saint Pierre de Rome qui écrase de sa majesté.
Plus tardif mais toujours contemporain, Rafaelo qui admirait ses ainés, posa les bases d’une peinture nouvelle, vivante, colorée qui bouscula les canons. A trente ans il était le peintre le plus en vue, maintenant que Da Vinci vieillissant ne peignait presque plus et que Michelangelo s’épuisaient sur la Sixtine ou le tombeau du Pape Jules II. L’Europe entière se le disputait tandis que le Pape lui confiait les charges écrasantes de conservateur des antiquités de Rome ou le soin de réaliser moult relevés topographiques. Il mourut d’épuisement à trente sept ans, là où ses ainés s’éteignirent à plus de soixante dix ans pour Leonardo et plus de quatre vint pour Michelangelo. L’art, en cette Renaissance explosive, était universel et ne pouvait se mesurer qu’à des êtres universels, de génie, prêt à tout donner pour recevoir gloire éternelle.
On suit ces quatre vingt années qui bouleversèrent à jamais notre monde avec fascination et sans jamais le moindre ennui. Quel talent, Mr Diwo !
Publié aux Editions J’ai lu – 1993 – 507 pages