Le titre est déjà en soi tout un programme. Le roman est quant à lui débridé, délirant et fantasque.
Vous voici devenu un enfant, un pre-adolescent qui tire son ennui au lycée Jeanson de Sailly en 1958. Comme vous êtes issu d’une famille bourgeoise et financièrement à l’aise, vous avez forcément du personnel de maison. A cette époque, les perles étaient espagnoles.
Comme vous êtes un peu livré à vous-même, cet univers de femmes qui se réunissent régulièrement dans la rue à côté du métro Pompe et qui jacassent dans toutes les langues que comptent l’Espagne, vous fascine instantanément. En plus, vous en êtes un peu responsable puisque vous placez les unes et les autres dans toutes les familles du quartier.
Vous êtes de plus d’un esprit fantasque, un rien dérangé même. Les premiers émois amoureux vous tenaillent et vos fantasmes revêtent le corps superbe de Pepita. Celle-ci vous aime bien car vous la faites rire mais elle vous tolère comme petit homme car précisément vous n’êtes que petit et pas encore homme. Et vous vous voudriez tellement plus…
Profitant d’une malédiction qui frappe Pepita, trois deuils en moins d’un mois, vous allez improviser un loufoque enterrement à distance de l’aïeule. Pepita n’a pas l’accord de sa patronne, aussi barge au passage que vous, pour s’absenter encore une fois. C’est qu’elle est tellement prise à gérer le déplacement de chacun des objets à laquelle elle se raccroche pour remplir le vide de sa vie.
S’ensuivra une séquence d’une cinquantaine de pages totalement bouffonne et ahurissante sur les obsèques pilotées à distance depuis l’appartement familial de la pauvre vieille qu’un méchant convoi laissera plus ou moins errer, de points de chute en points de chute, dans la ville de Pampelune.
Ces obsèques seront l’objet d’une sorte de bacchanale où nos perles espagnoles vont se livrer à un pillage en règle de l’appartement, la séquence étant l’occasion de régler ses comptes avec les patrons qui exploitent et de donner vie à ces pulsions que ces pauvres femmes doivent sans cesse réfréner.
On peut dire de l’auteur qu’il est doté d’une puissance imaginative poussée. Un peu sur le mode d’un Gaëtan Soucy, blogué à plusieurs reprises dans Cetalir. Le rire explosif en moins.
Or c’est là toute la différence. Car on reste de marbre, un peu effrayé par ce qui se cache dans le cerveau de Banier, hébété et perplexe, face à une telle débauche, à une volonté systématique de destruction, forme ultime du refuge d’un amour qui ne peut se concrétiser. L’écriture est débridée mais on reste sur le trottoir et laisse passer le métro, avec ses femmes.
Dommage, cela aurait pu être excellent, une pointe d’humour en plus.
Publié aux éditions Gallimard NRF – 208 pages
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- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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