Ce court roman est construit sous la forme d’un dialogue entre Jack Stokes, dit Œil-qui-bat, fermier de soixante-cinq ans et son épouse, Rudy, de vingt ans de moins et qu’un cancer du poumon vient d’emporter. Les chapitres y sont courts et permettent de plonger dans l’intimité quotidienne de ce couple uni et que la mort s’apprête à séparer. Il dit aussi la douleur de n’avoir pu être parent et la façon qu’ils ont trouvé, ensemble, de l’être par procuration.
Un drame se prépare au fin fond de cette Caroline du Sud rurale, encore fortement raciste et conformiste. Il est temps pour Ruby de congeler trois mois de repas pour son mari puis de bientôt mourir, apaisée de ne pas le laisser démuni. Jack devra ensuite se débrouiller seul bien que Ruby sache qu’elle pourra compter sur leur vieux copain Rud et sa fille June, celle-là même qu’ils ont élevée à la place d’une mère hystérique et absente, tombée enceinte dans des conditions jamais éclaircies, d’un père qui n’est pas le mari.
L’un des charmes de ce petit livre est d’alterner des dialogues intérieurs entre Jack et Ruby avant puis après la mort de celle-ci. De nombreuses scènes de la vie quotidienne y sont successivement commentées par l’un et l’autre, un peu décalées, car la réalité est toujours empreinte de la subjectivité propre à nos émotions, nos peurs, nos expériences qui nous empêchent souvent de voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on désire les voir.
Ces scènes sont assez nostalgiques et disent la joie d’avoir vécu ensemble, l’immense douleur de l’absence, toujours pudique. C’est un cheminement intérieur pour accepter l’inévitable, postraumatique.
Malgré la tragédie, l’humour est souvent présent. Un humour bâti sur des scènes absurdes ou grotesques et où la verve de Jack cloue souvent le bec à ses détracteurs. Cet humour est salvateur : il permet à Jack de supporter la tristesse et au lecteur de respirer.
Ce livre dit aussi la solidité d’un amour qui perdure par delà la mort et que seul l’amour de la terre, profond, ancestral, absolu et qui est tout pour ces fermiers qui ne possèdent rien, pourra transcender.
A découvrir.
Publié aux Editions Rivages – 168 pages
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- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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