2.7.09

La pension Eva – Andrea Camilleri

Que cache donc la pension Eva, cette bâtisse imposante et fermée devant laquelle Nenè, un jeune garçon d’une dizaine d’années, passe tous les jours en se rendant à l’école. Il paraît que es hommes s’y rendent pour contempler des femmes nues !

Andrea Camilleri, Sicilienne née en 1925, nous emmène dans son île natale au moment de la prise du pouvoir par les fascistes et jusqu’à la défaite et au débarquement américain. Elle rédige ce court roman à l’âge de quatre-vingts ans.

Son parti pris est d’écrire dans un italien simple, fortement mâtiné de dialectes et de patois. La traduction respecte habilement cette approche au départ assez déroutante. Une façon de rendre immédiate la perception sans ambages des choses de la vie par des êtres simples.

Nous allons suivre le parcours de Nenè, ses premiers émois amoureux, de la découverte du corps féminin grâce à son audacieuse et délurée cousine Angelica jusqu’à la possibilité de pouvoir enfin franchir le seuil de la pension Eva pour consommer, obtenir son passeport de petit mâle.

Le récit réussit alors à s’écarter de la banalité, du mille fois ressassé dans lequel il se tient beaucoup dans toute sa première partie. L’intérêt réside dans l’approche originale voulue par l’auteur. Une approche qui consiste à donner à voir un bordel non comme un lieu de plaisir et de débauche, mais comme un microcosme social.

Un microcosme qui a ses règles, ses rites. Un monde où les putes sont aussi et avant tout des femmes que Nenè, le désir brûlant enfin assouvi, va alors observer, écouter, consoler, chastement.

Car Nenè est avant tout un tendre, un poète doublé d’un amoureux des choses simples de la vie.

Alors, nous aussi nous découvrirons la compassion de ces filles qui changent à chaque quinzaine et nous assisterons aux petits miracles qui égayent leurs vies : la vision d’un saint tentateur et généreux, la descente d’un ange, aviateur nu accroché à son parachute, l’octogénaire ragaillardi d’avoir échappé par miracle à la mitraille du bombardement….

Et puis, la guerre s’installant, les filles restant, de belles et simples histoires d’amour vont s’installer.

Mais tout partira en fumée dans le déchaînement des bombes et des tirs anti-aériens. La paix revenue, il sera temps de devenir définitivement un homme en fumant sa première cigarette.

Décidément, les rites ont la peau dure !

Une curiosité, gentille. Un petit bonbon pour passer un petit moment.

Publié aux Editions Métailié – 134 pages