Borges vouait à Perutz, écrivain allemand, une profonde admiration et Perutz, lui-même, considérait « Le cavalier suédois » comme son chef-d’œuvre. Partagerons-nous ce même enthousiasme ?
Construit sur le thème central de l’usurpation d’identité, le roman nous donne à voir en plein dix-huitième siècle les tribulations d’un voleur qui, à force de ruse et d’intelligence, se hissera à la tête d’un domaine appartenant à un compagnon d’infortune qu’il sacrifiera sans vergogne pour son profit personnel.
Roman picaresque par excellence, il alterne sur un rythme assez trépidant scènes de batailles ou de cour, analyse psychologique et scènes paillardes, et distille en continu de multiples rebondissements destinés à maintenir le lecteur en alerte permanente.
De fait, il est aussi une sorte de témoignage indirect et décalé d’une Europe encore très rurale, partagée entre une Eglise décrite ici comme cupide et des rois qui ne pensent qu’à guerroyer entre eux, vivant plus ou moins sur le dos d’une paysannerie qui n’a pas son mot à dire.
Bien qu’immoral, on se prendra d’amitié pour ce bandit passionné d’agriculture et d’élevage et qui saura faire fructifier un domaine parti en quenouille accaparé qu’il était par une noblesse qui entendait bien profiter du fait qu’une simple femme, incapable et naïve, s’y tenait à sa tête. Une fois abandonnés les habits de brigand, c’est un homme généreux mais exigeant, soucieux des petites gens, amoureux d’une femme qu’il a épousée en se faisant passer pour un autre, bon père de famille que l’on découvrira. Un homme aux apparences respectables mais toujours prêt à tout pour protéger ses biens et sa famille. Mais le passé finira par le rattraper et il y aura un prix à payer pour ces vilénies.
Ecrit dans une langue très grand siècle, un rien surannée, souvent hyperbolique voire un peu agaçante, le livre fait penser à un petit conte philosophique dont la grandiloquence et la moralité ne sont jamais loin. Combinées avec une intrigue un peu tirée par les cheveux et de longues et fréquentes séquences où les personnages pensent tout bas le contraire de ce qu’ils font, à la mode du chœur des grecs antiques, cela donne une sorte d’ovni littéraire auquel on adhère ou pas. Pour ma part, j’ai été grandement gêné par le côté souvent ridicule d’une intrigue complexe et totalement improbable et qui m’aura empêché de m’impliquer tout au long de cette lecture. Je ne partagerai donc pas les éloges des critiques rappelées avec abondance sur la quatrième de couverture.
Publié aux Editions Phébus – 1987 – réimprimé en 2010 – 275 pages
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