En pleine guerre
civile, deux personnages cheminent sur une route. On ne sait d’où ils viennent
et ils ignorent où ils vont. Ils sont l’expression symbolique de ce peuple
chassé de ses terres, victimes systématiques de toute guerre. Sur cette route
qui semble s’effacer au fur et à mesure qu’ils progressent, ils s’arrêtent dans
un bus calciné et rempli de cadavres d’hommes et de femmes qui viennent d’être
exécutés sans raison. Dans une valise se trouvent des cahiers, ceux écrits par
un homme abattu comme un chien et gisant dehors, et dont le plus jeune de ce
couple d’hommes en errance, seul capable de lire, entreprend la lecture à haute
voix.
Commence alors un
récit typique de l’Afrique fait de personnages qui surgissent aussi vite qu’ils
disparaissent ou réapparaissent quelque temps plus tard, chacun étant le
prétexte à une nouvelle histoire qui s’imbrique dans la précédente pour finir
par former une gigantesque poupée russe littéraire. Afrique oblige, la
rationalité n’a aucune mise ici. Tout est affaire de magie, de croyances ou de
fables qui remontent à la nuit des temps. Tout est prétexte à laisser la plume
prolixe de Mia Couto glisser, déchaînant une langue épique et flamboyante,
aussi chamoisée que la multitude de personnages qui surgissent à faire pâlir le
plus inventif et poétique des griots.
Il faut se
laisser prendre par la main sans chercher ni vraisemblance ni linéarité dans un
récit qui dépeint les souffrances et les joies humaines et dont de nombreux
épisodes sont l’écho romanesque de tous ces destins broyés par une guerre dont
on ne voyait pas la fin. A ce titre, le roman a un caractère de quasi
permanence tant les guerres ne cesseront jamais en particulier sur ce continent
qui n’en est pas avare.
Les images
conçues par Mia Couto sont d’une beauté à couper le souffle et la langue d’une
insondable beauté. Voici un roman poème à savourer comme tel. Une grande leçon
de littérature.
Publié aux
Editions Albin Michel – 1994 – 251 pages