« Monsieur » est le deuxième roman de JP.
Toussaint, publié immédiatement après le succès de « La salle de
bain ». Comme dans le roman suivant (« L’appareil-photo »), il
met en scène un personnage terne, sans relief, sans prise sur le monde. Le
format court qui constitue une certaine marque de fabrique de l’auteur, lui donne
l’occasion de prendre un malin plaisir à substituer à une trame narrative
fondamentalement et délibérément vide un contenu narratif serré, articulé autour
de très courts paragraphes qui constituent autant de scénettes dérisoires et
moqueuses. Le vide du récit laisse la place à une écriture léchée, très
maîtrisée dans laquelle quelques leitmotivs (« les gens, tout de
même » ou l’insertion de délicieuses descriptions des propriétés physiques
de minéraux fondamentalement absconses) viennent ponctuer l’absolue nullité du
personnage mis en scène. Histoire de faire sourire un lecteur qui se laisse
prendre au jeu.
« Monsieur » est sans nom. Pourquoi en aurait-il
puisqu’il existe à peine ? Il occupe un poste peu laborieux de Directeur
commercial chez Fiat France, au simple fait qu’il est Centralien (sans doute
par hasard de même). On le remarque à peine au bureau, il se comporte comme
l’ombre silencieuse et passive de sa chef.
Il est aussi peu consistant dans sa vie privée que
professionnelle. Incapable de prendre une décision, incapable de refuser, il se
laisse embarquer dans des histoires improbables qui empiètent sur le peu de
libre arbitre qu’il lui reste.
Parce qu’il n’a pas su refermer sa porte à un voisin
intrusif, le voilà secrétaire passif d’un minéralogiste monomaniaque et
assommant, condamné à co-rédiger un ouvrage que personne ne lira si d’aventure
il était édité.
Même se loger est une aventure. Une fois arrivé par hasard
quelque part, il s’y incruste paresseusement jusqu’à ce qu’on l’en chasse ou
qu’il soit pris en charge par une âme charitable. Sa vie affective est aussi terne que sa vie tout court. Il
se laisse aimer comme larguer, sa passivité étant une constante de Park.
Tout cela est brillamment mis en scène par JP. Toussaint
même si le récit reste un ton au-dessous de l’éblouissant
« L’appareil-photo » qui paraitra deux ans plus tard.
Publié aux Editions de Minuit – 1986 – 111 pages