Après le phénoménal succès de « La joueuse
d’échec » (que nous avions beaucoup aimé), nous attendions avec impatience
le deuxième roman de Bertina Henrichs. Rappelons que Mme Henrichs est Allemande
d’origine, installée en France depuis une vingtaine d’années, qu’elle écrit
directement en Français avec une maîtrise de la langue, qu’elle a apprise sur
place, qui est tout simplement époustouflante.
Sans être au même niveau que « la joueuse
d’échec », son deuxième roman est une touchante réussite d’autant que le
sujet abordé ici est délicat. C’est du travail de deuil qu’il s’agit, du
bouleversement qui s’ensuit lorsque l’on perd l’un de ses parents, à l’âge
adulte et de la reconstruction qui s’en suit.
A aucun moment le roman ne sombre dans le mélodramatique. Au
contraire, l’auteur sait faire preuve d’une grande maîtrise en alternant les
moments d’émotion intense et pure avec les sourires ou les clins d’œil à la vie
qui, toujours, continue. On pleure parfois, sourit beaucoup.
On suivra avec attachement le parcours d’Eva, cette jeune
universitaire allemande, enseignant en France et en Français, admirée de ses
pairs pour la qualité de ses travaux, arrivée à une maturité professionnelle
sereine (tiens, tiens, ne serait-ce pas un brin autobiographique ?) et qui
apprend brutalement l’hospitalisation de sa mère en Allemagne.
Elle doit partir sans tarder, laisser un compagnon avec
lequel elle entretient une relation sans passion, un brin distante et rejoindre
sa mère. Au décès de celle-ci, il faut faire face aux inévitables obligations
administratives traitées ici avec une touche d’ironie délicieuse et retrouver
les papiers d’une mère aimée, veuve depuis de nombreuses années. Les souvenirs
resurgissent et un vieil oncle se manifeste qui va lui révéler un pan entier
inconnu de la vie intime de sa mère. Elle y apprendra les secrets cachés de ses
parents dont sa mère l’avait toujours gardée.
Eva découvrira que cette dernière avait prévu de longue date
de se rendre à Memphis pour y rendre un hommage à son dieu, le King Elvis.
Alors c’est elle qui va entreprendre ce voyage en souvenir et honneur de sa
mère.
C’est la découverte d’une Amérique superlative, excessive
dans la capitale du Kitsch et du ridicule. Une découverte émaillée de
rencontres avec des êtres bizarres, perdus et qui cherchent à donner un sens à
une vie vide en entretenant des rapports pour le moins contestables avec la
star qu’ils refusent de croire morte.
Ce parcours permettra à Eva de se débarrasser de ce qui
l’encombre, de faire place nette dans sa vie pour s’assumer totalement.
Le livre est admirablement construit alternant une première
partie intime, triste et nostalgique, qui rend avec précision et sensibilité la
peine qui s’empare de ceux qui apprennent le décès d’un proche, avec une
deuxième partie plus délurée, critique acerbe et méritée de la société
américaine, catharsis pour rebondir.
Publié aux Editions Du Panama – 2009 – 239 pages