Larry Brown n’aime rien
tant que les perdants surtout s’ils viennent du Sud profond et ont un penchant
marqué pour l’alcool, sous toutes ses formes, pourvu qu’il abrutisse pour
estomper le contour de ce qui serait autrement trop difficile à accepter en
l’état.
Pour une fois, c’est à un
personnage féminin qu’il va donner le rôle central. Fay est une jolie fille de
dix-sept ans, de celles dont les formes et le charme naturel attirent les
regards et les sifflements des gars dans la rue. Mais cela, Fay ne le sait pas
encore car elle vit depuis toujours dans une cahute au fond des bois au sein
d’une famille de gueux. Ne supportant plus un père alcoolique qui a tenté de la
violer à plusieurs reprises, une mère dépressive et psychologiquement absente
et les travaux des champs qui usent le corps et l’esprit plus vite que le temps
qui passe, elle décide de s’enfuir.
La voici sur les routes,
déjouant de justesse les pièges dans lesquelles une jolie auto-stoppeuse
pourrait facilement tomber. Recueillie par un flic en patrouille sur la
highway, elle va trouver chez celui-ci et son épouse un nouveau foyer dans une
jolie maison au bord d’un magnifique lac. Tout paraît idyllique. Ce serait
oublier à quel auteur on a affaire car, bientôt, le drame se prépare.
Combinant malchance et
manque de clairvoyance, Fay va dériver d’une route qui semblait apaisée. A
chaque moment crucial, entre toutes les décisions possibles, elle choisira la
plus mauvaise, celle qui la mènera toujours plus bas, la poussera toujours plus
vers des hommes peu recommandables et qui voudront immanquablement faire de
cette jolie poupée leur jouet docile. Sauf que la beauté est celle du diable
car Fay n’a ni froid aux yeux ni manque de caractère. Du coup, le cadre
bucolique qui berce sournoisement la première partie du roman volera
brutalement en éclats pour laisser place à tout ce que l’humanité combine de
pire : trafics en tous genres, proxénétisme, alcoolisme omniprésent,
meurtres et manipulations transformant le périple de la belle en véritable
descente aux enfers.
L’épilogue, glaçant, nous
confirme que Larry Brown a un faible pour les perdants, pour celles et ceux qui
seront toujours rattrapés par une sorte de malédiction atavique, une poisse qui
colle à la peau. Merci, une fois encore, aux éditions Gallmeister de nous faire
découvrir ce romancier américain majeur.
Publié aux Editions
Gallmeister – 2017 – 545 pages