Professeur à l’Université, Directeur honoraire à la Sorbonne du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant du CNRS, membre de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, psychologue, Olivier Houdé est l’auteur de nombreuses études et ouvrages qui comptent sur les questions de l’intelligence et des apprentissages.
Son dernier ouvrage apporte tout d’abord une définition simple de l’intelligence. Pour lui, l’intelligence est avant tout la capacité à inhiber. Inhiber les circuits courts de réponse (l’heuristique) qui donnent souvent des réponses justes mais pas toujours pour activer les algorithmes logiques qui donnent eux toujours des réponses justes au prix d’un effort de contrôle et de réflexion plus important.
En réponse aux et complément des travaux de Daniel Kahneman autour des Système 1 (S1) (heuristique) et Système 2 (S2) (algorithmes logiques) dont nous avons eu l’occasion de rendre compte sur Cetalir, il propose un Système 3 (S3) fondé sur des mécanismes d’inhibition permettant de court-circuiter le S1 pour activer le S2 chaque fois que nécessaire.
Pour cela, Olivier Houdé a mené depuis des années un très grand nombre de travaux à commencer par la réfutation des thèses de Piaget qui postulent que le développement de l’intelligence se fait par paliers successifs jusqu’à l’acquisition d’une capacité toujours logique à raisonner. En dépit des nombreux contre-exemples et des contorsions que Piaget dut réaliser pour maintenir son modèle en place, celui-ci continue de prévaloir auprès de nombreux psychologues.
Grâce à l’IRM fonctionnelle et à la mise au point de nombreux tests dont certains repris directement de Piaget, Olivier Houdé et ses équipes ont pu démontrer sans le moindre doute possible que le basculement du S1 en S2 se fait par activation du cortex préfontal où siègent les neurones gérant les mécanismes d’inhibition. Un système qu’il nomme donc S3, véritable régulateur de l’intelligence. Cette découverte désormais de plus en plus partagée dans le milieu de la recherche appelle à revisiter très sérieusement nos pratiques d’enseignement quasiment toutes fondées sur le rabâchage d’algorithmes de type S2 et non pas sur l’apprentissage à activer son S3 au fur et à mesure du développement du cortex préfontal qui court de l’enfance à la fin de l’adolescence. Une découverte qui invite également à repenser fondamentalement les approches poursuivies pour le moment en matière d’Intelligence Artificielle dont de nombreux exemples montrent la forte propension à produire des biais d’analyse statistique faute de prise en compte, entre autres, de S3.
Malgré ses nombreuses redites et de fréquentes longueurs, cet ouvrage intéressera toute personne se préoccupant de psychologie ou d’éducation.
Publié aux Editions Odile Jacob – 2019 – 237 pages