Annam désigne à la fois les habitants du Vietnam et le centre de ce pays. Annam est un titre aussi court que le très court roman de Christophe Bataille.
Un premier roman récompensé par deux prix (Prix du Premier Roman et le Prix des Deux Magots) en 1993. Deux prix, presque quinze ans après, dont on peut affirmer qu’ils étaient absolument mérités !
Il faut dire que Christophe Bataille y révèle une force d’écriture considérable pour un aussi jeune auteur, alors. Nous voici rapidement porté successivement à la Cour d’un Louis XVI déliquescent où l’ennui suinte et que la présence, trop brève, fauchée par la mort subite qui frappait alors si souvent, du jeune empereur du Vietnam va un temps réveiller. En quelques lignes, tout est dit. Quelle force dans la synthèse !
Puis sur le port de La Rochelle d’où deux fiers navires, armés et financés par l’Eglise toute-puissante, contre l’avis du roi, à la veille de la révolution, s’apprêtent à appareiller vers cette terre que l’on prétend merveilleuse, aux fougères géantes, à la végétation luxuriante et au soleil ardent.
Après des mois de mer et d’infortune, un navire et un seul finira par accoster. Deux stratégies s’opposeront : l’une militaire, celle de la conquête évangélique par les armes, l’adoption d’un nouveau dieu étant toujours plus évidente sous la menace d’une épée ; l’autre par sédentarisation, apprentissage de la langue, acceptation réciproque.
La première conduira à la mort de tous les soldats, vaincus par les fièvres, les escarmouches et les fourches des paysans. L’autre, retenue par les seuls six frères et sœurs rescapés conduira à un relatif succès et à une sublimation des êtres.
Relatif succès, car le fond de religion locale ne disparaîtra jamais, l’adhésion au catholicisme restant de toute évidence marginale. Relatif aussi et surtout car comment maintenir sa foi occidentale, brûlante et conquérante, dans un pays écrasé de chaleur, où l’indolence prévaut, où la tolérance vous amène à reconsidérer la supériorité systématique de vos convictions, où les travaux vous abrutissent dans une pauvreté absolue. Qu’espérer de toute façon quand l’humidité, les fièvres, le temps défont tout ?
Et au-delà de la force littéraire de ce livre à tous points remarquables, c’est là sa vraie force : celle de nous montrer comment ces envoyés de dieu, à qui il fallait une foi d’airain pour oser se lancer dans de telles aventures, vont peu à peu devenir d’une profonde humanité, s’alléger pour mourir dans un don de soi et d’amour, pas seulement mystique.
Enfin, ce beau livre met une fois de plus en évidence la vacuité des ambitions humaines. Il suffira de peu d’années pour que cet héroïsme inutile tombe dans l’oubli. Même l’épitaphe des derniers emportés choquera les convictions de l’expédition suivante et conduira l’aumônier à briser la croix de l’ultime et humble sépulture. Tout ceci en valait-il la peine ?
Publié aux Editions Arlia – 93 pages
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- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
1 commentaire:
J'ai lu ce livre et je l'ai trouvé certes interressant mais pour moi qui n'ai pas une culture littéraire énorme je trouve que le message que l'auteur veut délivrer est flou. On se perd un peu entre l'apprentissage d'une nouvelle religion par les vietnamiens qui de toute evidence de comprennent pas et la perte de la foi.
Ceci est mon point de vu.
Thérése
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