17.6.07

Trop de soleil tue l’amour – Mongo Beti

Un livre idéal pour (re)découvrir la richesse de la littérature africaine d’expression francophone.

Mongo Beti, d’origine camerounaise, est un écrivain prolifique injustement méconnu. « Trop de soleil tue l’amour » met en scène une galerie de personnages tous plus pittoresques les uns que les autres et qui adoptent des stratégies personnelles de survie dans un Cameroun putréfié par la corruption et l’absence de véritable démocratie.

Le roman, mi policier, mi politique, démarre sur les chapeaux de roue : un journaliste, passionné de jazz, se fait dérober l’intégralité de sa collection de CD et 33 tours. Son univers culturel de référence s’écroule. Puis, il est mystérieusement prévenu par un inconnu qu’un macchabée l’attend à son domicile.

A partir de ces deux évènements, une séquence de situations rocambolesques va s’enchaîner. Elle illustre parfaitement la paranoïa de certains dirigeants, la confusion totale entre l’intérêt général et celui des « grands », c’est-à-dire des nantis, des hommes et des femmes de pouvoir.

D’ailleurs, n’est-il pas fait absolue interdiction aux forces de police de mener la moindre enquête ? Le risque est trop systématique de mettre à nu les méfaits d’un grand !

Mongo Beti manie une langue riche et truculente. Une langue pour nous faire découvrir, à nous blancs de la France continentale, la beauté du français populaire d’Afrique, quoi même !

Une langue aussi pour dire la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda et où beaucoup nous reste caché. Une langue pour dénoncer l’incurie des coopérants et des diplomates qui ferment les yeux sur tous les trafics sales car il faut bien que l’Afrique serve de poubelle mondiale.

Ce roman est haletant : les poursuites y sont nombreuses, brillamment décrites. La vie compte si peu là-bas. Mongo Beti sait nous mener par le bout du nez, dans toutes les strates de la société camerounaise pour nous faire découvrir le dessous caché des choses. Les rebondissements sont multiples et les arroseurs souvent arrosés.

La fin est totalement inattendue et délirante. Elle laisse la place à l’imaginaire ou à une suite que l’on a hâte de découvrir.

Un livre drôle, acide, décalé et jouissif. Un livre pour réfléchir aussi à nos responsabilités d’occidentaux face à la misère et à ce qu’elle porte de risques d’explosion pour le monde en son entier.

Publié aux Editions Julliard – 239 pages

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