Tout d’abord, pour découvrir la vision historique et relativement détaillée de cette véritable histoire peu glorieuse, rendez-vous sur le lien suivant :
nice.algerianiste.free.fr/pages/flatters_a.html
Le roman comme les personnages sont tous tirés de l’Histoire. C’est en 1880 que la France, soucieuse de relier l’Algérie au Mozambique afin d’asseoir sa puissance et de contrôler une bonne moitié de l’Afrique, décide de lancer la construction d’une ligne de chemin de fer transsaharienne.
Pour réaliser de tels travaux héroïques et dispendieux, il fallait reconnaître le terrain. Après avoir conduit une première mission de reconnaissance qui s’était soldée par un fiasco, la petite troupe se retirant toutes affaires cessantes à la première marque d’hostilité des touaregs, le Colonel Flatters se voit confier une deuxième mission.
Celle-ci est purement civile. Peu armée, insuffisamment préparée, elle compte dans ses rangs une dizaine de français dont deux ingénieurs et un médecin ainsi qu’une cinquantaine de tirailleurs habillés en civil et plus de deux cent chameaux.
Flatters va rapidement faire preuve de la plus grande incompétence. Tout d’abord en choisissant mal ses guides locaux, malgré les alertes claires données par les populations locales qui lui intimaient de ne pas se fier aux membres de la tribu parmi lesquels il a exclusivement choisi ceux qui devaient le conduire. Ces derniers n’eurent en effet d’autres projets que de mener délibérément la longue caravane vers le chemin le plus dangereux, le plus long, le plus susceptible de conduire au désastre. Flatters introduisit l’ennemi en son sein dès le premier jour alors que toutes les autres options lui étaient ouvertes.
Incompétence encore dans le partage du commandement avec son second. Flatters ne tint en fait aucunement des avis qui lui furent donnés et prit toutes les mauvaises options militaires. Il en paya tôt le prix de sa vie et conduisit à la mort de tous, sauf neuf rescapés.
Ceux-ci connurent la plus longue marche de l’histoire en plein désert saharien. Plus de trois mois d’errance, affamés, puants, blessés, harcelés par les autochtones, trompés, volés. L’horreur la plus totale qui les conduisit jusqu’à assassiner méthodiquement leurs propres membres afin de les dévorer et de survivre.
La force de ce roman tient dans celle de l’histoire, dans l’héroïsme de ces hommes poussés jusque dans leurs plus extrêmes limites et condamnés à des actes inconcevables pour se sauver une fois que plus rien d’autre ne pouvait l’être.
Certes l’écriture est insuffisante, il y manque du souffle, de l’empathie, du lyrisme qui auraient trouvé toute leur légitimité dans un tel contexte digne d’un film à grand spectacle.
Mais l’auteur eut le génie de croquer une galerie de personnages bien campés, au caractère affirmé et qui vont s’affronter dans une lutte à mort alors que la coopération, le respect et l’écoute auraient peut-être pu éviter le pire. C’est aussi de savoir rendre la folie qui gagne les esprits abrutis de chaleur, éblouis de soleil, ralentis par la soif et la faim, avivés par la maladie et la présence invisible de l’ennemi.
De personnages réels, de faits avérés, Tito a l’intelligence et le talent d’inventer des situations qui renforcent le caractère dramatique du récit. Flatters fait incorporer de force dans sa petite troupe un maréchal des logis chauffeur de locomotive, sur le point d’être libéré, au seul motif qu’il a surpris qu’il était l’amant de sa femme, trente ans plus jeune que lui. Une femme moderne, qui n’hésitera pas à se rendre dans le désert pour braver son époux, demandera le divorce et donnera un enfant à son amant par amour et par bravade.
Un soldat sûr et compétent dont il n’aura de cesse de le brimer, de l’humilier, de le pousser à bout. C’est une guerre dans la guerre.
Derrière chaque personnage se cache une histoire et un destin. Chaque destin est tragique.
Il faudra vingt ans à la France pour se remettre de l’affront qu’elle subira dans cette affaire et qui contribua pour beaucoup à ce que des peuples nomades ennemis s’allient pour se défendre de ceux qui voulaient leur prendre le commerce du sel et leur interdire la traite d’esclaves.
Le meilleur compliment que l’on puisse faire sur un livre c’est de dire qu’une fois commencé, on ne peut s’arrêter qu’à la dernière page. C’est exactement le cas avec ce roman épique, tragique et bouleversant, malgré une fois encore, une écriture qui aurait mérité mieux.
Recommandé par Cetalir !
Publié aux Editions Grasset – 279 pages
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