Le Cantal est un pays qui ne se laisse pas aborder facilement. Les hivers y sont profondément enneigés, éperdus d’un épais silence ouateux, les étés écrasés de chaleur, embaumés par l’explosion haletante des senteurs et des couleurs. Un pays aux racines agricoles où l’isolement et la solitude semblent la règle. Un pays aux fermes isolées, à l’esprit de canton et à la merci d’une météo maîtresse femme.
C’est dans cette région rude que vit, replié sur soi, un quatuor de figures. Il y a Paul, 46 ans, agriculteur à la tête de 26 hectares pentus et arides, ses deux oncles vaillants et secs octogénaires avec lesquels il a du lutter pour prendre le pouvoir de l’exploitation et sa sœur, Nicole, qui règne en cuisinière et lingère lorsqu’elle n’est pas à vaquer sur les routes pour apporter un soin attentif et attendu à une collection de personnes âgées et percluses de solitude. Tous vivent seuls, à l’abri des passions et des tentations, dans un dénuement et une simplicité essentiels.
Mais Paul n’en peut plus d’un célibat forcé et se remet avec difficulté d’une première histoire d’amour qui a mal tourné dix ans auparavant. Contre l’avis du clan, il va passer une petite annonce en vue de rechercher une compagne qui l’acceptera, lui, sa garde familiale rapprochée et la terre lointaine sur laquelle et de laquelle il vit.
Après l’épreuve sélective des coups de fil et de deux rencontres furtives dans la ville de Nevers, fantomatique et pluvieuse, Annette et son fils Eric débarqueront avec armes et bagages pour venir s’installer et commencer une nouvelle vie. Venus du Nord, du plat pays de Bailleul, le choc est rude mais Annette et Eric, chacun à leur manière, ont bien décidé de trouver leurs racines, de recommencer à vivre en se remettant des profondes blessures infligées par un compagnon et père alcoolique, violent et incontrôlable.
Usant d’une langue d’une incroyable profondeur, à la sublime lenteur, parcourue d’adjectifs fulgurants et précis, Marie-Hélène LAFON entraîne son lecteur au cœur même de ses six personnages, de leur quotidienneté, de leur long apprentissage à devoir vivre ensemble dans un contexte où les antiques distributions des tâches et des rôles se trouvent alors remis en cause.
On est subjugué par ces petits gestes, ces regards, ces sous-entendus qui, lentement, à l’image du temps qui se déroule là-bas, font que les uns et les autres vont s’apprivoiser et, peut-être, finir par s’aimer. Le livre s’achève en laissant ouverte toute conclusion même si l’on comprend que les plantes déracinées et transplantées ont fini par venir à bout de ce micro-climat si particulier dans ce hameau perdu du Cantal.
Il en résulte un livre magnifique, poignant et plein d’espoir. Un livre qui fut justement récompensé du Prix Page des Libraires 2009.
Publié aux Editions Buchet-Castel – 2009 – 196 pages