Le racisme et l’ostracisme au quotidien constituent le sujet du dernier roman d’Antoine Audouard. Avec beaucoup de pudeur et une intensité quasi insoutenable lorsque viennent les moments d’horreur, l’auteur nous donne à voir la bêtise et la méchanceté humaines dans ce qu’elles ont de plus crues, nous faisant descendre dans les égouts nauséabonds des idées préconçues, des paroles bientôt suivies d’actes qui ne reposent sur rien d’autre que des préjugés.
Le roman se déroule dans une petite bourgade du Sud de la France, le long du Rhône, pas très loin de Marseille. Un Arabe débarque sans prévenir dans cette petite cité composée exclusivement de blancs issus de la classe ouvrière ou de la petite bourgeoisie. Le Maghrébin a été envoyé par le frère, curé de son état, du patron de la gravière locale pour des raisons que nous découvrirons plus tard dans le roman. Il vient renforcer une petite équipe constituée principalement de rustres et d’une jeune femme solitaire et rebelle qui vit seule dans une grande maison sans chauffage en lisière de la gravière.
L’Arabe qui n’a pas de logement sera recueilli par Jules, un homme qui, derrière son mauvais caractère apparent, cache une réelle générosité et va se prendre d’amitié pour l’occupant de sa cave qui a aussi décidé de redonner vie à un jardin qui partait à l’abandon. L’Arabe, silencieux et travailleur, trouve rapidement sa place dans son milieu professionnel.
Mais, soudain, le drame va frapper la bourgade avec l’assassinat de la fille de la voisine de Jules. Bien qu’immédiatement reconnu par le mari alcoolique et violent, le meurtre ne peut trouver son origine, pour la mère stupide et obèse de la victime, que dans la présence de l’intrus indésirable parce que différent. Immédiatement interpelé et mis en garde à vue, la vie de l’Arabe va alors basculer dans un enfer car, même s’il ne tarde pas à être libéré, son histoire familiale va se trouver affichée au grand jour et le faire passer, à tort, pour un complice d’Al Qaida.
Menée par la voisine odieuse et vengeresse, un complot va s’ourdir qui vise à se débarrasser à tout prix d’un Arabe qui ne peut que constituer un danger malgré toutes les évidences contraires. Un complot qui entrainera les plus faibles, les plus stupides et les plus conformistes, sans exception.
Les mécanismes de la vindicte populaire, de la haine irréfléchie, de la machine policière qui se met en route malgré la présence d’esprit d’un inspecteur circonspect et humain, sont particulièrement bien analysés et font bien comprendre en quoi le racisme, s’il n’est pas tué dans l’œuf, est porteur de danger mortel. Quand l’alcoolisme et l’atavisme sont en outre à l’œuvre, il ne peut qu’en résulter des désastres complets et irréparables.
L’Arabe constitue une trame idéale pour un film typique du cinéma français. Gageons que nous devrions le voir porter sur les écrans d’ici quelque temps…
Publié aux Editions de l’Olivier – 260 pages