La réussite de certains livres tient en partie à leur capacité à saisir d’emblée le lecteur, à ne plus le lâcher ensuite, même si le rythme ou l’écriture ne sont pas toujours de qualités égales.
C’est ce qui arrive avec “Technosmose” dont la scène d’entrée est un véritable morceau de bravoure. Rarement fouille au corps n’aura été décrite avec ce mélange glacial et glaçant de précision médicale et de déshumanisation. Mathier Terence nous fait entrer brutalement, avec son personnage principal, dans un univers carcéral du XXIe siècle.
Iris est une française de trente ans qui vient d’être condamnée à 18 ans de prison pour avoir tué son mari. Elle est incarcérée dans la prison souterraine ultramoderne située à Atlin, dans le Grand Nord canadien, pays où elle a commis son crime.
Sitôt arrivée, Iris n’aura qu’un objectif en tête: s’échapper d’une prison ultra-moderne, bourrée d’équipements technologiques surveillant les moindres faits et gestes de ses pensionnaires et réputée inviolable. Nul sentiment, nulle pulsion ne peut échapper à la caméra. Impossible de protéger la moindre intimité.
La prison d’Atlin symbolise ce que ce monde nouveau, hyper-technologique a de plus sophistiqué. Un environnement où tout est pensé, auto-régulé, auto-surveillé grâce à un savant dosage de soins médicaux personnalisés, visant à une intégration harmonieuse des pensionnaires et une surveillance de tous les instants par un système de capteurs et de caméras décelant le moindre mouvement suspect.
Cette prison a été réalisée par un architecte d’origine hollandaise, vivant au Canada.
Cet architecte fait venir à lui un modeste rédacteur français qu’il va charger de rédiger sa biographie. Ce rédacteur va se prendre de passion pour Atlin et Iris, créant ainsi un lien indirect à distance dont nous comprendrons le dénouement à la toute dernière ligne.
Il y a du “The Island” dans le propos et la manière. M. Terence réussit à rendre avec un très grand talent l’atmosphère prévalant dans un centre d’incarcération modèle avec ses règles officielles et ses contournements. Le rythme est fait d’alternance entre brusques accélérations et la langueur monotone des journées au contenu dosé et surveillé.
La façon dont les rapports humains sont décrits est remarquable et l’auteur sait distiller au goutte-à-gouttes un suspense et une tension remarquables.
Quelle est véritablement la relation qu’entretient Iris avec son frère, quel rôle a-t-il joué dans la mort de son beau-frère ? Quel est le lien qui relie, à distance, Iris et le narrateur ?
Grâce à de remarquables descriptions, nous sommes plongés d’emblée dans un univers codé et où il convient de respecter les règles faute de subir une sanction immédiate et dissuasive.
Pourtant, il doit bien exister un moyen de s’échapper ?
Quel rapport entre ce lien et le body-buildisme auquel Iris va se livrer avec passion ? Un univers où la musculature se développe, en environnement carcéral à coups de dosages chimiques massifs car les meilleurs doivent emporter à tout prix les concours nationaux et internationaux afin de renvoyer l’image d’une prison modèle et moderne.
Certes, tout n’est pas parfait dans ce roman original. La deuxième partie traîne parfois un peu en longueur ou manque de profondeur, ici ou là.
Mais, le livre refermé, j’en conserve une image positive, intrigante, bien meilleure en tous cas que la plupart des romans de projection dans notre monde de l’immédiat après-demain blogués jusqu’ici dans Cetalir.
Publié aux Editions Gallimard - 236 pages