Drôle de titre qui mérite quelques explications livrées d’ailleurs par l’auteur lui-même dans une interview accordée au Point. Pour l’auteur, qui s’est fait une spécialité des histoires monstrueuses et hors du commun (La chambre des Officiers, La malédiction d’Edgar ou bien encore Une exécution ordinaire), les étoiles nous observent en permanence. Or, avec le Mal qui rôde sans cesse sur terre, la monstruosité aussi imaginative des hommes que permanente, les étoiles ont du mal à trouver le sommeil.
Or, de monstruosité, il est bel et bien de nouveau question avec ce dernier roman de Dugain. Cette fois-ci, c’est au cœur du système nazi que par glissements successifs, presque imperceptiblement, l’auteur va nous entrainer.
Le roman commence dans une ferme allemande confiée à la seule garde d’une adolescente de quatorze ans depuis que son père est parti sur le front russe. Une fille squelettique, entourée de deux chevaux faméliques, et qui se nourrit au compte-gouttes d’un stock de patates. Une proie facile et tentante pour des policiers mafieux, livrés à eux-mêmes et qui vont faire main basse sur les biens avant que d’essayer de la violer.
Lorsque, plusieurs mois plus tard, elle sera découverte à moitié morte par une patrouille française emmenée par le Capitaine Louyre ce dernier voudra à tout prix comprendre la raison de la présence d’un squelette calciné caché au fond d’une malle dissimulée sous un tas de chiffons. Commencera alors une longue enquête, comme un entêtement à trouver la vérité hideuse, directe et indirecte, malgré des millions d’autres morts plus ou moins atroces dans une Europe ravagée.
Placée sous la garde du Capitaine et confinée dans une garnison inoccupée et rutilante d’une petite ville d’Allemagne, la jeune fille tente de se remettre. Mais, malgré elle, elle a vu certaines scènes qui pourraient compromettre certains des notables locaux. Elle devient donc l’enjeu de manipulations auxquelles Louyre va s’opposer de tout son poids.
Derrière ces manipulations se cachent en réalité des faits bien plus graves et qui se sont déroulés dans l’hôpital surdimensionné de la ville, précipitamment abandonné, récuré et vidé de tout contenu avant la fuite des troupes nazies. Et c’est cette vérité inavouable que Louyre va s’acharner à faire révéler par celui qui en fut l’instigateur et l’exécuteur.
Patiemment, usant de ruse, Louyre obligera l’auteur de faits particulièrement graves à avouer un secret qu’il gardera pour lui seul. Ce sera là l’acte d’héroïsme principal d’un officier qui, dans le civil, est un astronome, plus préoccupé de science et d’exactitude que de guerre et de violence. Il n’y gagnera que le plaisir d’avoir tiré au clair l’indicible et pousser au suicide l’auteur de faits odieux sous couvert d’instructions douteuses du pouvoir nazi.
Dugain nous fait ainsi plonger derrière la façade de ce que disent les livres d’Histoire, révélant, sous forme de fiction, ce qui fut une pratique du plus abominable régime qu’engendra le vingtième siècle, à égalité avec le Stalinisme.
Cependant, je dois avouer être resté sans cesse à l’extérieur de ce roman qui n’a pas su me captiver ou me hanter, malgré ses qualités de construction. Il me semble lui manquer le souffle des trois précédentes œuvres majeures de cet auteur à part dans le paysage littéraire français contemporain. Je crains qu’on oublie assez vite cet opus qui ne me paraît pas émerger d’une nouvelle rentrée littéraire chargée.
Publié aux Editions Gallimard – 2010 – 226 pages