« Dis-moi quelque chose » fait partie, pour moi, de ces romans face auxquels, au moment de me mettre au clavier pour Cetalir, m’amène à m’interroger aussi honnêtement que possible sur ce que j’en ai pensé.
C’est toujours relativement aisé lorsque l’on a été irrésistiblement entrainé par une écriture éblouissante, une intrigue délicieuse ou au contraire, que l’on a détesté pour des raisons plus ou moins objectives (heureusement ce cas est rare).
Ici, j’ai été séduit par la petite musique, cette gentille mélodie facile, sans ambition, bien tournée et qui vous trotte dans la tête. J’ai été aussi séduit par le parti pris d’une écriture dépouillée, allant à l’essentiel, presque scolaire et pauvre et qui décrit sans fard, ce que l’auteur veut nous donner à voir. Derrière la pauvreté apparente, se cache en fait une grande maîtrise de l’écriture.
En même temps, j’ai été perturbé par la fragmentation du récit, sa composition à base de blocs distants les uns des autres. De façon systématique, Le Touze décide de nous projeter à des mois de distance, voire des années, dans des lieux qui n’ont rien à voir (Paris, Marseille, l’Afrique) et où se déroulent des morceaux de vie reliés, de façon ténue, les uns aux autres.
Nous débarquons face à des situations dont nous ne savons rien, souvent comme Igor, personnage principal, dont nous allons suivre le parcours de vie entre 8 et 30 ans. Mais comme Igor a toujours peur de comprendre, peur d’être aux autres, peur de se lier, nous ne saurons rien ou pas beaucoup de son frère Laurent, de ses parents partis en Afrique et laissant leurs deux fils, dont Igor encore enfant en pension, avant de disparaître brutalement dans un accident de plongée. Bref nous allons sans cesse zapper sans comprendre tout au long d’une étrange première partie.
Et puis, dans la deuxième partie du livre, Igor va faire la connaissance de Mathilde, une vieille archéologue de soixante-dix ans, libre d’esprit, joyeuse mais fragile et Igor, l’écorché, l’homosexuel qui a peur de s’attacher aux hommes qu’il aime, va peu à peu apprendre à devenir un homme qui saura assumer ses choix.
Il existe des pages superbes dans ce récit (on pense particulièrement à ce voyage en barque sur la mangrove à la découverte des éléphants) dont la tonalité se veut cependant d’une grande neutralité.
L’homosexualité masculine y est omniprésente. Tous les hommes, ou presque, le sont dans ce livre et tous, sauf Igor ou presque, finissent par se marier et faire des enfants, sans aucune explication. C’est le côté le plus perturbant du roman, cette absence de prise de position, ce placage de situations surprenantes ou choquantes, toujours sans transitions.
Alors on a envie, à la fin du roman, de reprendre le titre à notre compte et de demander à Mr Le Touze de nous dire quelque chose, de mieux comprendre le but poursuivi dans ce roman qui laisse un arrière-goût d’inachevé.
Publié aux Editions Actes Sud – 187 pages